Ondes de choc

La maison des fous

«Moé, tout ce qui m’intéresse, c’est l’indépendance du Québec.»
_ Pierre Falardeau, lors de la sortie d’Elvis Gratton 2

* J’ai un ami qui habite N.D.G. Son fils va bientôt aller à l’école. Malheureusement, l’école du quartier déborde, il n’y a plus de place. Que va-t-on faire? La Commission scolaire envisage deux solutions: envoyer les enfants qui sont de trop dans une école de Ville-Émard, ou construire une annexe préfabriquée juste à côté de l’école de N. D. G.

Vous avez bien lu: une annexe préfabriquée. Comme les écoles que les missionnaires construisaient dans la brousse, à l’époque du bon docteur Schweitzer.

* Brève parue dans La Presse de lundi:

«Une fois de plus, les patients sur civières étaient nombreux en fin de semaine dans les urgences des hôpitaux du CHUM. Le nombre de malades alités dans les couloirs des urgences de l’hôpital Notre-Dame hier matin dépassait de deux fois et demie la capacité: soixante et onze personnes sur civières plutôt que le maximum prévu de vingt-huit. De plus, vingt-cinq patients s’y trouvaient depuis plus de deux jours. L’Hôtel-Dieu a connu aussi deux journées d’encombrement, avec trente-quatre à quarante patients pour une capacité de dix-huit civières, dont deux à quatre installés aux urgences depuis plus de deux jours. L’hôpital Saint-Luc a aussi connu des moments difficiles, avec une trentaine de patients sur civières.»

* Cette semaine, le journaliste Bruno Bisson nous apprenait que les urgences psychiatriques de l’Hôtel-Dieu de Montréal disposent de si peu de ressources que les patients doivent y attendre jusqu’à dix ou douze jours avant d’obtenir un lit. Une quinquagénaire profondément dépressive a dû passer sept jours et sept nuits alitée dans un corridor avant d’obtenir une chambre au campus Notre-Dame.

* Et à Emploi-Québec, c’est le cafouillage le plus total.

Et que fait notre gouvernement, pendant ce temps? Il déclare la guerre à Ottawa afin que la ville de Québec puisse s’appeler «Capitale nationale».
C’est ce qu’on appelle une belle dépense de temps et d’énergie.

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Avant, le profond crétinisme des gens qui nous gouvernent pouvait nous faire rire. Maintenant, ce n’est même plus drôle. Ce ne sont pas des tartes à la crème que ces gens-là méritent de recevoir: ce sont des coups de pied au cul, carrément.

Mercredi matin, à son émission Indicatif présent, Marie-France Bazzo organisait une table ronde sur la crise sociale qui, selon toute vraisemblance, secouera le Québec cet automne. Parmi les invités, il y avait le docteur Jean-François Chicoine.

Le bon docteur Chicoine n’est pas du genre à descendre dans la rue et à brandir des pancartes. Habituellement, il réserve ses montées de lait à Michel Montignac et aux vendeurs d’ail cryogénique. Mais ces jours-ci, il n’est plus tenable.

Pour lui, c’est bien simple, le Québec est au bord de la faillite morale. «On est dirigés par des fous, s’indigne-t-il. Le gouvernement actuel n’a qu’une seule et unique obsession: couper partout, afin de réunir les "conditions gagnantes" capables de lui faire remporter le prochain référendum. Le reste, il s’en crisse. La santé, l’éducation, tout ça passe après le "projet national".»
Chicoine est un passionné de médecine. Le genre à triper devant une photo de bacille. Mais pour la première fois de sa carrière, il se demande sérieusement s’il ne devrait pas faire autre chose. Se réorienter, déménager…
«La situation est catastrophique, dit-il. Chaque jour, je vois des choses épouvantables à l’hôpital. Les gens ne se rendent pas compte jusqu’à quel point ils sont mal soignés, faute de moyens. Ce qu’on lit dans les journaux n’est que la pointe de l’iceberg. Vraiment, je ne comprends pas pourquoi les gens ne se révoltent pas.»

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Dans Pour une société meilleure (Seuil), l’économiste John Kenneth Galbraith écrit: «Il y a des moments dans l’histoire où le simple fait d’énoncer ce que l’on pourrait considérer comme l’expression la plus parfaitement banale du bon sens revêt un aspect d’excentricité, d’irrationalité, voire d’un léger dérangement mental. C’est le risque que courent à l’heure actuelle tous ceux qui veulent mettre en doute la sacro-sainte règle de la réduction du déficit.»
C’est exactement ce qui se passe. Pour nos élus, les gens qui osent remettre en question la lutte contre le déficit sont des fous. Mais qui a vraiment perdu le nord?

Qui est obsédé par une idée, au point de ne plus voir la réalité?