Ondes de choc

Anne-Marie Dussault au pouvoir!

En février 2000, le gouvernement Bouchard organisera un Sommet du Québec et de la jeunesse, qui, dixit les quatre jeunes coprésidents de l’événement, «permettra à la jeunesse québécoise de dire à la population ce qu’elle vit, ce qu’elle espère, ce qu’elle souhaite voir changer, ce en quoi elle croit, bref, ce qu’elle veut comme modèle de société».

Que ceux qui pensent que ça va changer quelque chose lèvent la main…
Y a-t-il quelqu’un dans la salle qui se souvient de l’Année internationale de la jeunesse? Pouvez-vous me dire ce que cette année a donné, concrètement?

Pendant une couple de jours, des porte-parole de groupes de pression jeunes se réuniront autour d’une grande table et sortiront leurs listes d’épicerie. Le leader de l’Association des jeunes nains albinos demandera au gouvernement de soutenir davantage les Maisons de jeunes nains albinos. Le porte-parole des jeunes travailleurs autonomes demandera au gouvernement d’assouplir ses politiques fiscales afin d’aider les jeunes travailleurs autonomes. Le représentant des organismes d’aide aux jeunes gais demandera au gouvernement d’injecter davantage d’argent dans les centres d’aide aux jeunes gais.

Etc., etc.

Prenez un numéro, faites la queue, puis présentez-vous au micro pour faire vos doléances.

A-t-on vraiment besoin d’organiser un tel Sommet pour savoir ce que veulent les jeunes? Ce n’est pourtant pas sorcier: pas de clauses orphelin; plus d’argent dans l’éducation; une protection accrue pour les travailleurs autonomes (congés de maternité, assurance-emploi); une plus forte présence des jeunes dans les services publics; des programmes d’aide pour les jeunes décrocheurs et les ceux en difficulté; plus d’investissements dans la recherche et le développement, etc.

Ça fait des années que les jeunes répètent le même discours. Si le gouvernement n’a pas encore compris leur message, il ne le comprendra jamais – Sommet, pas Sommet.

À moins que ce méga-événement ne serve en fait qu’à mobiliser les troupes jeunes en vue d’un éventuel référendum…

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Un autre Sommet, une autre table ronde, un autre sous-comité X qui évaluera les recommandations des commissaires du Groupe de réflexion Y, et qui accouchera d’un beau rapport de cinq cents pages…

Comme l’a déjà écrit Josh Freed, chroniqueur à The Gazette: «Être canadien, c’est pratiquer l’art du compromis et de la circonlocution. C’est gagner du temps, former des comités, remettre à plus tard, diluer et distraire. N’importe quoi pour éviter l’action.»

On a beau décrier Mike Harris, au moins, le bonhomme a fait ce qu’il avait promis. «Lisez bien mon programme. Si vous m’élisez, je vais faire ça, ça et ça.» Les gens l’ont élu, et il a fait ça, ça et ça. On aime ou l’on déteste; mais, au moins, c’est clair.

Ici, on gosse. Les politiciens présentent des plates-formes floues, et quand ils sont élus, ils ne dirigent pas: ils discutent. Ce ne sont pas des leaders que nous avons, mais des animateurs de forums. Ils agissent comme si le gouvernement était un gros Droit de parole.

«Selon notre sondage, 78 % des citoyens sont opposés à la loi X-32, alinéa 6. Qu’en pensez-vous, monsieur le président de l’Association des embouteilleurs de boisson gazeuse citron-lime? Et vous, madame la vice-présidente du club de l’âge d’or de Sainte-Julie?»

Tant qu’à faire, on devrait élire Anne-Marie Dussault. Au moins, elle sait comment animer des débats, c’est une professionnelle. On lui donne une firme de sondage, un numéro 1-800 pour recueillir l’opinion des citoyens, quinze chaises et un micro, et elle va faire la job…

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Prenez la fameuse réforme de la fiscalité municipale de Louise Harel. Ça tète, ça tète… Il suffit que le maire de Ville-les-Vaches rouspète pour qu’elle retire son projet de loi et qu’elle le réécrive de A à Z. Y a-t-il quelqu’un au gouvernement qui va se décider à mettre ses culottes et à trancher?

Si on n’est pas d’accord, on va débarquer le gouvernement aux prochaines élections; mais, au moins, il se passera quelque chose.

«La dictature, c’est ferme ta gueule. La démocratie, c’est cause toujours», dit le proverbe. Eh bien, c’est ce qu’on fait: on cause, on cause. On fait campagne en lançant des paroles creuses, et on dirige en organisant des consultations vides.

Un Sommet? Disons plutôt un creux…