Ainsi, le mâle a mal à l’âme.
Partout, il se promène, léchant ses plaies, pestant contre l’omniprésence des valeurs «féminines», cherchant sa virilité perdue. Bavant de jalousie devant ses copines souriantes et bardées de diplômes qui foncent dans la vie tête baissée et poings serrés, alors que lui traîne de la patte et pleurniche dans la jujupe de maman.
La misère des hommes est la nouvelle lubie des médias.
Le mois dernier, c’était la montée de la culture latino. Le mois prochain, ça seront les Pokémon. Mais ce mois-ci, c’est le mâle occidental à la recherche de ses couilles tranchées.
L’homme eunuque.
La Grande Confrérie des circoncis, qui intente un recours collectif à l’État, histoire de réparer le massacre des prépuces.
«Wir sind alles John Wayne Bobbit.» (Nous sommes tous des John Wayne Bobbit.)
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En mai dernier, l’excellent magazine GQ publiait un texte d’humeur sur Saving Private Ryan et la déroute de l’homme moderne. Le papier allait comme suit:
«Si les jeunes hommes éprouvent une telle fascination pour les films traitant de la Deuxième Guerre mondiale (Saving Private Ryan, The Thin Red Line, etc.), c’est qu’ils ont de la difficulté à prouver et à exprimer leur virilité. Dans les années quarante, les gars partaient à la guerre: ils pouvaient mettre leur courage à l’épreuve, se mesurer à la nature, etc. Mais aujourd’hui, que nous reste-t-il? Rien. Nous passons nos journées assis devant un ordinateur dans des bureaux climatisés. Notre génération n’a connu ni grande guerre ni grosse dépression économique…» Et patati, et patata.
Bref, vous connaissez le topo: à l’ère de la gazelle, le lion tourne en rond dans sa cage et rêve du temps où il chassait fièrement le mammouth.
La féministe américaine Susan Faludi reprend essentiellement les mêmes propos dans son dernier ouvrage, Stiffed, une étude sociologique du malaise masculin. «L’heure est à l’économie du savoir, affirme-t-elle, une économie qui tourne autour de valeurs dites féminines. L’homme, qui a grandi dans le culte du muscle et de la force physique, a de la difficulté à y trouver sa place…»
Et il y a le film The Fight Club, formellement impressionnant (trois jours après l’avoir vu, je suis encore sur le cul), mais idéologiquement puant.
Le héros, un yuppie déprimé qui bande en lisant le catalogue IKEA, ressent un vide dans sa vie. Afin de mettre un baume sur sa plaie, il court les groupes de soutien psychologique, où il laisse libre cours à sa peine. Il pleure, il chiale… jusqu’au jour où il découvre le barbare qui sommeille en lui, et qu’il se met à participer à des combats extrêmes organisés en catimini dans des caves suintantes. Dès lors, il se transforme en superman et retrouve enfin le sourire.
«Et le prix Leni-Riefenstahl récompensant le meilleur film fasciste va à…»
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Alors, c’est ça, être un gars? Aller à la guerre, se taper sur la gueule, abattre des animaux à coups de massue?
À croire The Fight Club, le monde est divisé en deux: d’un côté, les commis roses qui poussent un crayon dans un cubicule gris (les émasculés); de l’autre, les guerriers sadiques qui font pisser le sang (les vrais mâles). Et entre les deux, rien…
Bizarre: la dernière fois que je me suis battu, c’était en 1972, et je ne me sens pas moins gars pour autant.
Coudon, les boys, c’est quoi votre maudit problème? Vous vous ennuyez de la conscription et des écoles non mixtes? Pourquoi ne pas revenir au bon vieux temps de la messe obligatoire, tant qu’à faire?
Vous voulez vous sentir homme de nouveau? Commencez par arrêter de brailler. Ce pleurnichage public est obscène. Relevez les épaules, prenez-vous en main et cessez de blâmer tout le monde pour vos échecs.
Pensez-vous que les filles l’ont plus facile? Qui se fait plaquer avec les enfants sur les bras? Les filles. Qui prend congé lorsque le petit dernier est malade? Les filles. Qui accouche? Les filles. Qui se fait tasser dès la première ride? Les filles. Qui est moins payé pour un travail égal? Les filles. Qui se retrouve en tête du palmarès de la pauvreté? Les filles, toujours les filles.
Pas besoin d’un fusil ou d’une paire de gants de boxe pour être un homme. Juste de prendre ses responsabilités, d’encaisser les coups et de savoir se relever quand on tombe en bas de son cheval.
Vos gueules, les moumounes.