Ondes de choc

C’est une fois un gars

«Travailleurs de tous les pays, unissez-vous. Vous n’avez rien à perdre d’autre que vos chaînes.»
_ Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste

Ça y est, le couvercle a sauté.

Après des années de coupures, de vaches maigres et de diminutions de services, un groupe de citoyens s’est levé et s’est exclamé: «Assez, c’est assez!»

Non, je ne parle pas des camionneurs, des infirmières ou des assistés sociaux. Mais d’un autre groupe de gens écoeurés de se faire manger la laine sur le dos: les humoristes.

Dimanche soir, pendant la remise des Félix, le président de l’ADISQ, Pierre Rodrigue, a pris courageusement leur défense. Debout sur la scène du Capitole, devant Luc Plamondon qui en était à son quatorzième scotch, son quarante-cinquième trophée et sa soixante-troisième blague sur Richard Cocciante, il a déclaré, d’une voix ferme, que les humoristes québécois en avaient marre d’être traités comme des «artistes de seconde classe», et qu’ils désiraient – pardon! qu’ils EXIGEAIENT, madame la ministre, de pouvoir bénéficier eux aussi des crédits d’impôts, comme les chanteurs.

Je ne sais pas comment vous avez réagi; mais moi, les larmes me sont tout de suite montées aux yeux. Je me suis retenu à deux mains pour ne pas me lever dans mon salon et applaudir à tout rompre. J’ai glissé le CD des plus grands succès du Choeur de l’Armée rouge dans mon lecteur, j’ai débouché ma meilleure bouteille de vodka et j’ai porté un toast à tous mes camarades humoristes qui, partout aux quatre coins du Québec, travaillent dans des conditions épouvantables pour nous faire oublier nos problèmes.

Tous les Claude Meunier, les Daniel Lemire et les François Massicotte qui doivent faire de la pub pour boucler leurs fins de mois.

Tous les André Robitaille et les Bruno Landry qui en sont rendus à animer des quiz débiles pour payer leur hypothèque.

Tous les Normand Brathwaite et les Michel Barette qui sont obligés de se lever au beau milieu de la nuit pour nourrir leur famille.

Toutes les Lise Dion et les Claudine Mercier qui doivent présenter des shows dans le fin fond de Wâbo pour gagner leur vie.

Sans oublier Yvons Deschamps, honteusement relégué au rang de mongol à batterie par une Académie sans coeur ni mémoire.

Et on les empêche d’avoir droit aux crédits d’impôts? SCANDALE!

Heureusement, il y a Pierre Rodrigue. Avec l’aplomb d’un représentant des Teamsters, le président de l’ADISQ a mis son poing sur la table et a déclaré la guerre au gouvernement. «Je ne voudrais pas être un ministre et me retrouver sur le chemin des humoristes», a-t-il tonné, un doigt sur la gâchette. (C’est drôle, ça: j’ai exactement la vision inverse. J’ai toujours trouvé que c’étaient les humoristes qui étaient sur mon chemin. T’ouvres la radio: un humoriste. T’allumes la télé: un humoriste. Tu regardes un panneau publicitaire: un humoriste. Même Marc Dupré, un imitateur d’imitateurs, a réussi à décrocher un contrat de pub!)

Qui sait? Si ça continue, on va peut-être assister à une opération de type SALAMI: des humoristes qui occupent de force des salons funéraires pour sensibiliser la population à leur sort. Ou Jean-Marc Parent qui se couche au milieu du pont Champlain pour forcer le gouvernement à bouger.

À moins qu’avec un peu de chance, ils se mettent tous en grève…

***

Passons aux choses sérieuses, maintenant.

Pendant que nos artistes se plaignaient le ventre plein ou se «bitchaient» les uns les autres sur les ondes de Radio-Canada, de nombreux Québécois pleuraient la mort d’un des leurs, suite à l’écrasement du Boeing d’Air Egyptia au large de Nantucket.

Parmi ceux-ci, notre ami Benoît Lavoie, qui vient de perdre sa mère.

Benoît travaille au journal depuis plusieurs années. Il est le concepteur de notre site Internet. Il y a trois ans, son père succombait à un cancer fulgurant. Afin de surmonter sa peine, sa mère s’est mise à voyager: les Philippines, l’Autriche… Elle avait toujours voulu naviguer sur le Nil et voir les Pyramides.

À Benoît et à son frère Éric; aux amis et aux proches de monsieur Claude Masson, éditeur-adjoint à La Presse, ainsi qu’aux autres Québécois durement éprouvé par ce drame épouvantable, nous offrons nos plus sincères condoléances.

Que le soleil revienne rapidement dans votre vie…