Connaissez-vous la marmotte de Montréal-Centre?
C’est un animal très spécial, qui passe la majeure partie du temps six pieds sous terre afin de se protéger du monde extérieur. Une fois par an, cette créature sauvage sort de son trou pour voir quel temps il fait dehors.
Si elle aperçoit une ombre, elle peste et rugit. Sinon, elle retourne tranquillement se coucher, jusqu’au prochain Congrès national du PQ.
Eh bien, la marmotte est sortie cette semaine. Et elle a vu une grosse ombre noire qui recouvrait la ville, un immense nuage gris rempli de microbes et de virus:
L’Ombre des anglos.
Tout de suite, elle a sorti ses griffes et montré les dents. «Les Anglos nous envahissent, a-t-elle crié. Vite, mes frères, du renfort!»
Il n’en fallut pas plus pour que les amis de la bête enfourchent leur ski-doo et viennent à la rescousse de leur pauvre mascotte. Parmi eux, l’ineffable Yves Michaud, le fameux Robin des banques.
Lorsqu’Yves Michaud dénonce les pratiques immorales des banquiers, ses paroles sont sensées et atteignent la cible. Mais lorsqu’il se met à causer culture, l’homme perd tout contact avec la réalité. Il quitte notre monde, et entre dans une dimension virtuelle remplie de fantômes et de croque-mitaines, à mi-chemin entre Le Matou d’Yves Beauchemin, et l’appel à la race qui clôt Menaud maître-draveur de Félix-Antoine Savard.
C’est ainsi que, enroulé dans le fleurdelisé, notre Don Quichotte de la langue a déclaré que la loi 101 devrait être renforcée. «L’obligation de fréquenter les écoles françaises pour les enfants d’immigrants devrait être étendue jusqu’au cégep, a-t-il lancé avec sa superbe habituelle, car c’est au cégep que plusieurs personnes rencontrent leurs futurs conjoints.»
Qu’Yvon Deschamps, le roi de l’humour made in Québec, soit marié à une anglophone ne cause aucun problème. Que Gilles Vigneault, notre poète national, ait choisi de vivre avec une anglo ne scandalise personne. Que Lucien Bouchard, premier ministre du Québec et chef du PQ, ait eu deux enfants avec une yankee est tigidou-laï-laï.
Mais qu’un Immigrant coréen de dix-huit ans décide de sortir avec une Anglaise qu’il a rencontrée au collège Vanier, c’est le drame national. Vite, les amis, fourbissez vos armes et implorez l’aide céleste de Jeanne d’Arc!
***
Georges Raby, un lecteur avisé, m’a fait part cette semaine de sa solution miracle pour venir à bout du «problème» anglophone:
«Je crois que le gouvernement du Québec devrait inscrire au plus tôt à l’intérieur de la loi 101 un nouveau règlement qui inciterait les jeunes Anglaises à pratiquer le french kiss le plus souvent possible, dès le secondaire, pour qu’elles s’habituent à tourner leur langue du côté de la majorité. Ainsi, grâce à cette forme d’exercice fort plaisant, elles pourraient développer dès leur plus jeune âge un goût marqué pour notre langue, en accord avec l’idéal de la loi 101.
Un peu plus tard, au niveau du cégep, on les inciterait à mettre en pratique le french kiss avec des Québécois de souche, afin d’augmenter leur attachement à la langue de Molière.
Évidemment, ce ne serait qu’une première étape. Si celle-ci ne donne pas les résultats escomptés, j’ai dans mes dossiers un autre projet qui mettrait notre langue en position de force, un projet plus secret et plus intime que je ne peux dévoiler pour l’instant. Disons seulement pour les forts en maths que si l’on soustrait de 101 la somme de 32, on peut deviner de quoi il s’agit.»
Je suis tout à fait d’accord avec ce monsieur. J’irais même plus loin: pourquoi ne pas fabriquer des draps spéciaux équipés d’un système électrique, inspirés des couvertures antipipi? Chaque fois qu’un immigrant ferait un rêve en anglais, il recevrait une petite décharge qui le réveillerait. On pourrait aussi obliger les néo-Québécois à acheter des téléviseurs approuvés par le gouvernement, qui ne pourraient synthoniser que les canaux francophones.
Et qui sait? Dans un avenir pas si lointain, la manipulation génétique nous permettra peut-être de choisir la langue de nos enfants.
Si jamais, par mégarde, une réfugiée chinoise ou une immigrante haïtienne se faisait engrosser par un anglophone (après une soirée de beuverie au Peel Pub), on pourrait tripoter les chromosomes de son foetus, histoire de «corriger» sa structure mentale.
Allez, purs et durs de Montréal-Centre: encore un effort!