Ondes de choc

À vendre / For Sale

Les Canadiens sont à vendre.

Je ne parle pas du club de hockey, mais des citoyens canadiens, qui ont voté massivement pour Jean Chrétien aux dernières élections.

Ils se cherchent un leader charismatique qui pourra les mener jusqu’aux finales, lors de la prochaine rencontre du G8. Quelqu’un qui ait des idées, de l’entrepreneurship et de l’énergie à revendre.

Stockwell Day est-il ce nouveau Moïse? Il est trop tôt pour l’affirmer: les Canadiens choisiront leur prochain pdg dans quelques mois seulement. Mais l’offre que le futur chef de l’Alliance canadienne a déposée a séduit plusieurs électeurs.

Que ferait Stockwell Day s’il se retrouvait derrière le banc des Canadiens?

Premièrement, il constituerait une équipe homogène. Pas de gais ni de lesbiennes dans la chambre des joueurs. Après tout, la chasse aux investissements dans un monde sans frontières est un sport viril. Pas de place pour les moumounes!

Deuxièmement, il n’hésiterait pas à punir sévèrement les joueurs qui enfreindraient les règlements. Le pénitentier à sécurité maximum pour les délinquants du club Junior, et la seringue pour les récidivistes. Trois punitions dans la même saison, et l’arbitre te retire de l’équipe de façon permanente!

Troisièmement, il privilégierait un jeu offensif. Tous les joueurs devraient être armés, et prêts à défendre leur territoire au moindre signe de menace.

Quatrièmement, il réinstaurerait la prière obligatoire et le salut au drapeau. Rien de mieux qu’une dose de bondieuserie et de patriotisme pour fouetter l’ardeur des troupes. L’homme qui vit dans la crainte de Dieu est un homme qui marche droit…

Cinquièmement, il repêcherait les nouveaux joueurs à l’intérieur des frontières canadiennes. Terminé, le règne des Tchèques et des Russes! Le hockey est un sport canadien, et il restera canadien, coûte que coûte!

Sixièmement, il établirait une taxe universelle. Tous les joueurs seraient imposés d’égale façon, qu’ils réchauffent le banc de septembre à mai ou qu’ils comptent dix buts par match!

Et septièmement, il voterait une loi spéciale empêchant les femmes enceintes de résillier leur contrat avant terme. Elles devront se rendre au bout de leurs neuf mois, qu’elles le veuillent ou non.

Bref, avec Stockwell, pas de niaisage! Comme le disait Clint Eastwood dans Sudden Impact: "Go ahead, make my Day."

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Ce qui est intéressant dans le phénomène Stockwell Day (que certains commentateurs pressés comparent déjà à la Trudeaumanie), c’est le timing.

Depuis quelques mois, grâce à la pub The Rant/I Am Canadian de la brasserie Molson, on assiste à la montée d’un nouveau nationalisme canadien. Un nationalisme populiste et démagogue (quel nationalisme ne l’est pas?) qui tape sur la culture américaine afin de mettre en valeur la culture canadienne. (À chacun son Elvis Gratton.)

Or, quel politicien canadien a le vent dans les voiles par les temps qui courent? Stockwell Day, un clone de Jerry Faldwell, qui bâtit sa carrière en reprenant les poncifs de la droite morale américaine!

D’un côté, nos voisins de l’Ouest applaudissent à tout rompre lorsqu’ils entendent Joe Canadian dire qu’il habite un pays calme et pacifique, qui ne croit pas aux vertus de la claque sur la gueule. De l’autre, ils font la vague devant un émule des Freemen du Montana.

Cout’ donc, ils sont distincts ou non, les Canadiens?

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Laissons la politique pour aborder le merveilleux monde de la science.

Une poignée de cracks a donc réussi à décrypter presque entièrement le génome humain. C’est, selon les spécialistes, la plus importante découverte du monde médical depuis l’invention des antibiotiques. Une véritable révolution, qui nous permettra bientôt de vivre jusqu’à cent cinquante ans.

Du moins, si vous ne crevez pas dans le corridor d’un hôpital en attendant une greffe de poumons.

C’est le même phénomène qu’avec Internet: d’un côté, une révolution technologique pleine de promesses; de l’autre, une société bloquée et encrassée qui fait du surplace.

La médecine explose, l’informatique explose, l’astrophysique explose – bref, tous les champs d’études explosent… sauf les sciences sociales, qui sont toujours prises dans la même impasse. À quand une découverte sociale qui fasse boum, et qui change le monde de bout en bout?

Oups, j’oubliais, il y en a une: la taxe Tobin. Une petite taxe de rien du tout qui pourrait venir à bout de la pauvreté, une bonne fois pour toutes. Mais voilà, cette "invention" est mort-née. Aucun entrepreneur ne veut la commercialiser. Elle pourrit au fond de son éprouvette, dans le quatrième sous-sol d’un département d’études sociales.

Comme aurait pu dire Orwell: "Toutes les découvertes sont égales, mais certaines sont plus égales que d’autres."