"Le jour où il sera élu président des États-Unis, George W. Bush organisera un gros B-B-Q. Il fera griller deux cents prisonniers…"
– Jay Leno, animateur du Tonight Show
Le 9 août dernier, Olivier Cruz, trente-trois ans, a été exécuté pour le viol et le meurtre d’une femme de vingt-quatre ans. C’était le vingt-huitième condamné à être exécuté au Texas depuis le début de l’année.
Ce n’est pas une grosse nouvelle: au Texas, les exécutions font partie de la vie quotidienne. Depuis que George W. Bush a été élu gouverneur de l’État, en janvier 1995, cent quarante-deux condamnés y ont été mis à mort.
Mais voilà: Olivier Cruz était un attardé mental, qui présentait d’importants troubles de compréhension depuis son enfance. L’American Bar Association, la plus importante association d’avocats des États-Unis, qui n’a jamais pris position pour ou contre la peine de mort, avait demandé à ce que Cruz ne soit pas exécuté. (Depuis 1989, l’Association s’oppose à l’exécution des attardés mentaux, phénomène qu’elle considère comme indigne d’un pays civilisé.) L’Union européenne s’était aussi élevée contre cette mise à mort, de même que le Conseil de l’Europe et l’Arche des États-Unis, un organisme national défendant les droits des attardés mentaux.
Mais en vain: George Jr. a refusé de faire preuve de clémence.
Actuellement, aux États-Unis, trente-huit États autorisent la peine capitale. Et vingt-cinq permettent l’exécution des attardés mentaux.
En 1999, un projet de loi visant à abolir l’exécution des attardés mentaux a été déposé au Texas, mais le gouverneur Bush s’y est opposé et l’a fait échouer.
Depuis 1977, plus de trente-cinq retardés mentaux ont été exécutés aux États-Unis, malgré le fait que ce geste constitue une violation des droits internationaux, en particulier de la résolution 1989/64 du Conseil économique et social des Nations unies.
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Les États-Unis ne se contentent pas d’exécuter des attardés mentaux: ils exécutent aussi des mineurs.
Le pays de "la liberté et de la poursuite du bonheur" est le champion poids lourd de cette catégorie. Depuis 1990, seuls l’Iran, le Pakistan, le Yémen, l’Arabie Saoudite, le Nigeria et les États-Unis ont permis l’exécution de condamnés pour des crimes commis alors que leurs auteurs étaient encore mineurs. En fait, selon la National Coalition to Abolish the Death Penalty, les États-Unis ont exécuté plus de déliquants juvéniles que n’importe quelle autre nation au monde, malgré le fait, encore une fois, que cette pratique viole tous les traités internationaux des droits de la personne, y compris la Charte des droits des enfants.
Cent soixante mineurs ont été condamnés à mort aux États-Unis depuis 1973. Le nombre d’exécutions de mineurs par électrocution, injection et émission de gaz mortel a doublé au cours de la dernière décennie. Actuellement, la Cour suprême étudie même la possibilité d’abaisser l’âge légal des exécutions à… seize ans! Pour certains, ce n’est pas suffisant. En 1996, des procureurs du Mississippi ont demandé que l’État exécute un mineur de treize ans!
Le plus jeune Américain a avoir été exécuté s’appelait George Stinney. C’était un jeune Noir de quatorze ans. Il était tellement petit que le masque qui lui cachait le visage est tombé lors de son électrocution…
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Chaque fois que le cinéma traite de la peine capitale, c’est toujours la même chose: le héros est victime d’une erreur judiciaire, il a été condamné à la chaise électrique (ou à la chambre à gaz) pour un crime qu’il n’avait pas commis. Facile de s’identifier à un innocent… Facile d’être contre la pendaison lorsque la victime est blanche comme neige…
Mais qu’en est-il des vrais coupables?
Seul Dead Man Walking de Tim Robbins (et, en Europe, Tu ne tueras point, de Krzysztof Kieslowski) a osé traiter de ce sujet intelligemment. Le condamné à mort, brillamment interprété par Sean Penn, n’est pas une victime du système, un médecin respectable condamné à la place d’un méchant manchot; mais un monstre ayant violé et tué deux jeunes gens.
"A-t-on le droit d’exécuter des condamnés, même s’ils sont coupables de crimes atroces?" demande Robbins.
La question est délicate. Et hautement morale.
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Si la tendance se maintient, comme le dirait Bernard Derome, George W. Bush deviendra le prochain président des États-Unis dans quelques mois.
Et Stockwell Day fera un grand pas en direction du 24 Sussex House.
Tous les deux sont de fervents défenseurs de la peine de mort.
Beau couple…