Ondes de choc

Les joyeux naufragés

Si vous le voulez bien, cette semaine, on parlera politique. Comme dit l’adage, une fois n’est pas coutume.

Première nouvelle qui a fait la manchette des journaux cette semaine: Joe Clark continue son chemin de Damas. Deux députés du Parti conservateur ont décidé de quitter le Titanic et de s’accrocher aux bouées de sauvetage que leur tendait généreusement Jean Chrétien afin de sauver leur carrière qui menaçait de prendre l’eau aux prochaines élections fédérales…

Belle leçon d’opportunisme.

Et ensuite, ils nous disent qu’ils se lancent en politique pour défendre les intérêts de la nation et améliorer le bien-être de la collectivité. Bien tiens… Un chausson avec ça?

La politique ressemble de plus en plus au sport professionnel. Terminée, l’époque où les députés (ou les joueurs de hockey) s’identifiaient corps et âme à leur équipe, et avaient la photo de leur entraîneur-chef tatouée sur le coeur. Désormais, ce qui compte, c’est de bien gérer sa propre carrière, de s’arranger pour toujours être au bon endroit au bon moment. Aujourd’hui, je porte les couleurs des Canadiens (ou du Parti conservateur). Demain, je jouerai pour les Canucks (ou le Parti libéral). Tout ça ne fait aucune maudite différence. Bleu, blanc, rouge: ce ne sont que des couleurs, après tout. L’important est de compter des buts dans le filet de l’adversaire – même si cet adversaire était, il y a quelques jours, mon home team.

En changeant de parti comme on change de chemise, les députés Diane Saint-Jacques et David Price nous prouvent a) qu’ils n’ont aucune conviction politique, et que leur allégeance est à vendre; ou b) que les partis politiques se ressemblent tellement qu’on peut sauter de l’un à l’autre en plein milieu de mandat sans avoir à changer de discours.

Vive la démocratie…

J’ai une idée: si les partis sont rendus obsolètes au point où on ne fait même plus la différence entre l’un et l’autre, pourquoi les députés ne s’engageraient-ils pas des agents? Ils pourraient ainsi faire monter les enchères… "Tu ne me donnes pas un poste de ministre? Je vais téléphoner à ton compétiteur."

Jean Charest est passé du Parti conservateur au PLQ. Lucien Bouchard est passé du Parti conservateur au Bloc puis au PQ. Diane Saint-Jacques est passée du Parti conservateur au PLC. Et Mark Messier est passé des Oilers d’Edmonton aux Rangers de New York puis aux Canucks de Vancouver pour finalement revenir aux Rangers.

C’est le jeu de la chaise musicale. Allez, messieurs dames, faites la ronde, et quand la musique s’arrêtera, précipitez-vous sur la chaise en face de vous. Ensuite, vous n’avez qu’à changer de couleur de chandail et à dire que votre nouvelle équipe est la meilleure, la plus grosse, la plus belle.

Prêts? Partez!

***

Avez-vous vu la dernière conférence de presse de Stockwell Day? Elle s’est déroulée au bord d’un lac en Colombie-Britannique. Le chef de l’Alliance canadienne est arrivé en motomarine, et s’est pointé au micro vêtu d’un watersuit, sourire aux lèvres et cheveux mouillés.

L’obsession de cet homme pour le sport est en train de devenir inquiétante. Bientôt, si ça continue, il va répondre aux questions des reporters en levant des haltères ou en s’élançant du haut d’un pont en bungee. Tout ça fait vaguement facho: l’air pur, les cheveux blonds, les muscles, la forme physique…

C’est quoi le nom de la personne qui dirige sa campagne? Leni Riefenstahl?

"À l’Alliance, mon homme, on est en forme! Pas de tapettes ni d’avorteurs, aucune impureté sociale, le ciel bleu jusqu’à plus soif, le drapeau canadien flottant fièrement au-dessus des champs de blé pendant que les enfants pratiquent le lancer du javelot…"

Stockwell Day espère peut-être que Jean Chrétien claquera une crise cardiaque en tentant de le suivre. "Le premier ministre du Canada est décédé ce matin, à 11 h 32, en tentant d’escalader le mont Jacques-Cartier, au sommet duquel il devait partager un pot de margarine avec une douzaine de journalistes…"

***

Dernière nouvelle, pas mal plus triste, celle-là.

On a appris que la plupart des femmes prisonnières des rebelles philippins dans l’île de Jolo avaient été violées.

Vous connaissez l’histoire… Le 23 avril, il y a presque cinq mois, vingt et un touristes ont été enlevés par des rebelles musulmans qui les ont tenus en otages sur une île paradisiaque.

Au début, tous les journaux parlaient de cette histoire. Et puis, peu à peu, à mesure que le temps passait, ce fait divers a été relégué aux oubliettes. Plus personne ne pensait aux otages.

On avait d’autres chats à fouetter.

Comme Survivor, par exemple.

Ça, c’était toute une histoire! Il y a même un participant qui a été obligé de bouffer du rat. Vous imaginez, vous, bouffer du rat pour gagner un million de dollars?

Brrr, j’aime autant ne pas y penser…