Il y a quelques semaines, j’écrivais que les gangsters étaient devenus de véritables stars, avec leurs fans et leurs journaux à potins (Allo Police, Photo Police, etc.). Eh bien, la réalité est encore plus incongrue que je ne le croyais…
Saviez-vous, par exemple, que le logo des Hell’s Angels est une marque déposée? Pas de farce. Seuls les Hell’s peuvent l’utiliser. Si jamais l’envie vous prenait d’imprimer le logo des Hell’s sur un vieux t-shirt noir (pour passer l’Halloween ou avoir une meilleure place au prochain combat Hilton-Lucas), vous pourriez être poursuivi par un de leurs avocats.
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Ralph Barger, un des fondateurs des Hell’s.
Lors d’un entretien qu’il a accordé à Buck Wolf, journaliste au réseau ABC, Barger (qui a passé treize années en prison pour possession illégale d’armes à feu, fraude fiscale, kidnapping et trafic de drogue) a affirmé que les temps avaient bien changé depuis qu’il avait fondé son fameux club de motards il y a quarante-deux ans: "Dans les années soixante, si quelqu’un copiait notre logo sans nous le demander, on lui fendait le crâne. Mais aujourd’hui, on a recours à des avocats. Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse contre de grosses firmes qui décident de copier notre logo et d’imprimer des milliers de t-shirts et d’affiches à l’effigie de notre club? Rien… On pourrait se rendre à leur quartier général et battre leur gardien de sécurité, mais ça ne donnerait pas grand-chose. Quand tu te bats contre des hommes d’affaires, tu as besoin d’avocats."
Pourquoi Barger accordait-il une entrevue à un reporter? Parce qu’il est en tournée de promotion pour son autobiographie, The Life and Times of Sonny Barger and the Hell’s Angels Motorcycle Club. Ce bouquin est édité par William Murrow & Co., une firme prestigieuse qui publie des livres pour enfants et des guides culinaires.
Comme tout best-seller, l’autobiographie de Barger a été achetée par Hollywood et sera bientôt portée à l’écran par nul autre que Tony Scott, le célèbre réalisateur de Beverly Hills Cop 2, Top Gun et Days of Thunder. Les profits tirés de la vente des droits iront à l’éditeur, à Ralph Barger et… aux Hell’s Angels. Chaque billet vendu contribuera à l’enrichissement d’une des plus grosses organisations criminelles de la planète.
Dans quelques années, on pourra peut-être manger des hamburgers au Planet Hell’s, un resto thématique rempli de grosses motos et d’objets-souvenirs (des revolvers, des blocs de ciment, le veston de Maurice Boucher)… Pour quelques dollars, vous pourrez y acheter des casquettes officielles et des boucles de ceinture.
Un peu plus haut, un peu plus loin…
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Si vous surfez régulièrement sur le Net, vous savez que plusieurs chapitres des Hell’s ont leur propre site Web (le plus gros étant celui du chapitre new-yorkais, www.bigredmachine.com). Mais saviez-vous que ces gentils garçons au coeur tendre utilisent Internet pour amasser de l’argent destiné à aider leurs "frères" emprisonnés?
Cette brillante idée vient de Route 81 (www.route81.com), le chapitre scandinave des Hell’s qui regroupe des motards de Finlande, du Danemark, de Suède et de Norvège.
"Tout ça a commencé en 1985 alors que trois Hell’s de Copenhague faisaient du temps au pénitencier de Vridsloselille, lit-on sur le site. Ils n’avaient pas beaucoup d’argent, et ils étaient fatigués de toujours devoir quêter. Nous avons donc eu l’idée de vendre des t-shirts et des bandeaux afin de les soutenir financièrement. Ces t-shirts étaient imprimés par les prisonniers eux-mêmes, mais après un certain temps, la demande était telle que nous avons dû les imprimer nous-mêmes. Grâce à cette entreprise, nous pouvons maintenant assurer la défense de nos frères emprisonnés et venir en aide à leurs familles."
Pas beau, ça?
Le Fonds de défense scandinave (c’est le nom de cet organisme de charité) vend toutes sortes de produits: des chandails, des tuques, des bijoux, des foulards pour se cacher le visage, des vestons de cuir, des lunettes de soleil, des vidéos (!) et même une ligne de vêtements pour enfants (voir photo ci-contre). Afin d’écouler ces jolis objets, les Hell’s gèrent un site Internet, et ont ouvert une demi-douzaine de boutiques spécialisées un peu partout en Scandinavie et en Allemagne.
Et quelles compagnies leur fournissent les t-shirts et les chandails sur lesquels ils impriment leur fameux logo? Fruit of the Loom et Hanes.
Vive l’esprit d’entreprise.