Ondes de choc

Lingua franca

Il y a trente ans, des jeunes idéalistes qui rêvaient de transformer le Québec en nouveau Cuba faisaient sauter des boîtes à lettres et kidnappaient un ministre québécois ainsi qu’un diplomate britannique.

Le Québec, alors, ressemblait à une république de bananes et les Canadiens français étaient traités avec mépris par les good-old-boys du Golden Square Mile.

Aujourd’hui, Québec inc. a son bureau en haut d’une tour où il voit la ville à l’envers, où il contrôle son univers. Les ouvriers francophones ne se font plus fourrer en anglais, mais dans leur langue (vive le progrès); le PQ subventionne grassement les entreprises étrangères à même les fonds publics (parlez-moi du modèle québécois) et Groucho est le seul marxiste qui fasse encore l’objet d’un culte.

Quant à Fidel, "mon ami Fidel", il est venu à Montréal s’agenouiller devant le cercueil de celui-là même qui, il y a trente ans, envoya l’armée canadienne dans les rues de la Métropole afin de mater une poignée d’agitateurs qui se prenaient pour le Che.

Bref, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.

Que reste-t-il, maintenant, du terrorisme nationaliste made in Québec? Deux héritiers bâtards et dégénérés: le MNLQ de Raymond Villeneuve, qui veut renvoyer tous les immigrés chez eux, et les imbéciles de la B.A.F., qui croient libérer le pays en lançant des bombes incendiaires dans des cafés (où, aux dernières nouvelles, les francophones n’avaient aucune difficulté à se faire servir dans leur langue).

Belle descendance…

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Expliquez-moi une chose: pourquoi les zigotos de la B.A.F. attaquent-ils les Second Cup, et non Da Giovanni?

C’est pas français, ça, Da Giovanni! Pourquoi ne pas incendier le resto, sous prétexte qu’il ne s’appelle pas Chez Ti-Jean? Pourquoi ne viser que les commerces qui ont un nom anglais?

Allez, preux chevaliers de la B.A.F., un peu de cohérence! Visez haut, ratissez large, foutez-le feu à tous les commerces qui ne portent pas un nom tricoté serré!

Le restaurant Tchang Kiang, rue Sherbrooke? Kaboum!

Quelli Della Notte? Ba-da-bing!

Schwartz’s? Arrosez-moi ça au napalm!

Idem pour le Ginger, le Vintage, le bar Lover’s, la Casa Tapas, l’hôtel Holliday Inn, les motels Days Inn, La Hacienda, Las Palmas, Pho Viet, Piccolo Diavolo, Il Sole, La Cantina, Il Cortile, Il Piatto Della Nonna, Da Emma, Buona Notte, le Saloon, le Sky Pub, le Unity et Salaam Bombay…

Quant au Shed Café, on fait quoi, avec ça? Shed, c’est un mot anglais, mais il fait aussi partie du langage populaire québécois…

J’imagine que les cerveaux de la B.A.F. sont en train d’en discuter en plénière…

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La langue française vous tient à coeur? Alors je vous conseille un superbe livre: le Répertoire des emprunts du français aux langues étrangères, de Louis Tardivel, publié chez Septentrion.

Vous y apprendrez qu’abricot vient du catalan, académie de l’italien, accordéon de l’allemand, caravane du persan, séraphin de l’hébreu, mannequin du néerlandais, tomate de l’espagnol, etc.

Les fans de la B.A.F., eux, seront probablement intéressés de savoir que bombe est un mot d’origine italienne.

Et que immature provient de l’anglais…

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Mais bon, la B.A.F. a ses fans. Comme Falardeau, par exemple, qui nous a envoyé sa traditionnelle lettre d’insultes la semaine dernière, en réponse à un texte que notre collaborateur Pierre Monette avait consacré à la B.A.F., le 21 septembre dernier.

Dans son texte, Monette raconte qu’une femme avait déjà mis en doute son attachement au Québec parce qu’elle avait appris qu’il avait une grand-mère juive. Selon elle, on ne pouvait pas avoir du sang juif et aimer le Québec…

"Non, mais on s’en crisse-tu de sa grand-mère ou de sa matante, de s’écrier Falardeau dans sa lettre. Elle serait normande, pygmée ou martienne, tout le monde s’en contrecrisse."

Venant d’un homme qui ne cesse de nous parler de l’importance de l’histoire, des racines, des ancêtres et de l’appartenance, disons que la remarque est savoureuse…

À moins que ce que Falardeau veuille dire, c’est qu’il se contrecrisse complètement de l’histoire des autres. Que seule celle de son peuple l’intéresse…

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On apprendrait que les actes de la B.A.F. sont le fait d’extrémistes anglophones que ça ne me surprendrait même pas.

Car ces attaques ne pouvaient pas plus mal tomber. Imaginez: juste à la veille du déclenchement des états généraux sur l’avenir de la langue française au Québec… Pour les ennemis des indépendantistes, c’est une véritable aubaine. La preuve par A + B que les nationalistes sont des fachos en puissance.

Avec des amis comme ça, pas besoin d’ennemis.

(Note : ce texte a été rédigé sur un ordinateur Apple, avec le logiciel Word de Microsoft, et en buvant un latte de chez Second Cup.)