La religion, disait Marx, est l’opium du peuple. Personnellement, j’ai plutôt tendance à croire que c’est le plus gros tour que Dieu ait joué à l’Homme. Si Dieu existe, je suis sûr qu’il rigole comme un dingue en regardant ces millions de personnes observer toutes sortes de règles bizarres en son nom…
En effet, y a-t-il quelque chose de plus surréaliste que les dogmes religieux?
Prenez les juifs orthodoxes, par exemple.
Chaque samedi, les hassidim célèbrent le sabbat. Pendant vingt-quatre heures (du vendredi soir au samedi soir), ils n’ont pas le droit de transporter des objets en public, de coudre des vêtements, de teindre de la laine, de planter un clou, de saler la viande, d’éteindre un feu, de toucher à une clé ou d’utiliser un moteur à combustion.
(Pour ce qui est de l’utilisation des lecteurs de cassettes huit pistes ou des hoola-hoops en plastique, je ne sais pas. Ma connaissance des règles de base du judaïsme est trop limitée…)
Je me souviens, un jour, alors que je marchais rue Querbes, à Outremont, un juif orthodoxe m’a demandé d’ouvrir le coffre de son auto. Il ne pouvait pas toucher à son porte-clés. J’ai donc dû fouiller dans les poches de son pantalon, trouver la clé de sa bagnole, puis ouvrir le coffre à sa place!
Vous imaginez ce qui aurait pu arriver s’il y avait eu urgence?
Heureusement, les religions pensent à tout. Certaines ont même prévu des clauses dérogatoires, pour ceux qui ne peuvent pas respecter toutes leurs règles. Comme dans la Constitution canadienne!
Dans le cas de la religion juive, cette clause (ou plutôt: cette porte de sortie) s’appelle "l’érouv".
L’érouv est un fil que les hassidim installent autour d’un territoire donné: leur maison, leur quartier. Si vous êtes un juif hassidique et que votre maison se situe dans une rue encerclée par un érouv, vous pouvez jouer avec vos clés sept jours par semaine, vingt-quatre heures par jour, Dieu ne vous en tiendra pas rigueur et continuera d’être votre ami. Mais si votre territoire n’est pas protégé par un érouv, vous devez obéir aux lois du sabbat et laisser vos clés à la maison.
Afin de pouvoir contourner les lois du sabbat, les juifs orthodoxes qui habitent Outremont ont demandé au maire Jérôme Unterberg d’installer des érouvs autour de la ville. Le maire a refusé. "Si vous me dites que selon votre religion vous ne pouvez pas manger de tarte aux fraises, mais que si j’installe un érouv, vous pourrez en manger, je vous répondrai que votre problème est dû à la tyrannie de votre religion, ce n’est pas le problème de la Ville", a-t-il expliqué.
***
L’excellente (et courageuse)réponse du maire Unterberg touche le coeur du problème, c’est-à-dire le caractère complètement farfelu des religions.
Le judaïsme n’est pas la seule religion qui impose des règles abracadabrantes: toutes le font, ou presque. Prenez les catholiques, par exemple. Ils ne sont pas censés manger de viande le vendredi et leurs prêtres n’ont pas le droit de marier des couples divorcés ni d’ordonner une femme.
Pourquoi? Parce que c’est comme ça, bon.
Quant aux mormons, ils ne peuvent aller au cinéma car le septième art est péché; mais les hommes peuvent épouser autant de femmes qu’ils le désirent! Trouvez l’erreur…
Tenez, je vais lancer une religion, moi: le martinisme. Mes adeptes devront se promener à cloche-pied tous les mardis et jeudis matin, et porter des sous-vêtements en flanelle, même au mois de juillet. De plus, la consommation de gaz carbonique leur sera strictement interdite. Pas d’eau Perrier ni de boissons gazeuses: que du Cool-Aid à l’orange! Et ils pourront s’abonner au câble, mais pas à Télétoon ni au canal 47 (le 47 blanc, pas le 47 noir, qui, lui, sera permis les mercredis de 13 h 45 à 17 h 32, chaque année bissextile).
On se targue de vivre dans une société évoluée, rationaliste, qui ne croit qu’aux vertus de la science et du droit. C’est faux. L’irrationnel est présent partout. Mais voilà, personne n’en parle. On fait comme si ça n’existait pas…
Vous savez quel est le tabou numéro un de notre époque? Ce n’est pas la sodomie hétérosexuelle, comme l’affirmait récemment un magazine féminin québécois, mais l’athéisme. L’athéisme n’a tout simplement pas droit de cité.
Essayez, vous, de rire de la religion sur nos ondes publiques, vous verrez: on vous clouera le bec en moins de deux. Vous pouvez raconter votre dernière nuit d’orgie avec votre tante et votre cousin, si ça vous chante, personne n’y trouvera à redire; mais, de grâce, laissez Dieu en paix.
Dieu est intouchable. Même si vous installez un fil de fer tout autour de votre maison…