Ondes de choc

La démocratie en otage

"Le gouvernement fédéral est déterminé à mener les négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques de manière aussi ouverte et inclusive que possible, et à consulter de près les Canadiens tout au long du processus. Le gouvernement s’est engagé dans un processus de consultations permanent, transparent et accessible."

– Document du gouvernement fédéral publié sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international

Pendant que vous lisez ces lignes, les parlementaires américains analysent les textes de négociation de l’entente commerciale de libre-échange qui sera discutée au Sommet des Amériques à Québec, du 20 au 22 avril.

Les sénateurs et les députés canadiens aimeraient eux aussi lire ces précieux textes et en débattre en Chambre, mais ils ne le pourront pas. En effet, malgré les demandes répétées du Bloc québécois et du NPD, le gouvernement libéral a refusé de rendre ces textes publics. Lors d’un vote qui s’est déroulé à la Chambre des communes mardi dernier, les fidèles soldats de Jean Chrétien ont décidé de cultiver la politique du secret et de garder cette entente sous clé.

Va pour les promesses de transparence et d’accessibilité…

Pour justifier cette décision, le ministre du Commerce international, Pierre Pettigrew, a dit que le gouvernement fédéral n’avait pas à rendre les textes de l’entente publics puisque, de toute façon, "il n’y a rien qui ressemble plus à un accord de libre-échange qu’un autre accord de libre-échange".

Si cet accord de libre-échange ressemble tant aux autres accords de libre-échange, pourquoi refuser de le rendre public, alors? Pourquoi cette fin de non-recevoir?

Les députés et les sénateurs sont censés représenter les citoyens canadiens et défendre leurs intérêts; or, ils ne peuvent même pas connaître les positions de leur propre pays concernant l’un des plus importants accords de libre-échange au monde. Bonjour la démocratie!

Ils servent à quoi, alors, les députés, s’ils ne peuvent même pas débattre d’un dossier aussi chaud? À faire de la figuration lors des débats de la Chambre des communes? À nous faire croire que notre système politique se porte bien?

Parmi les députés qui ont voté CONTRE la motion demandant au gouvernement fédéral de rendre publics les textes de l’entente, figurent les ministres Coderre, Copps, Dion, Pettigrew et Martin. Des grands défenseurs de la démocratie, qui ne cessent de parler de l’importance de bien représenter le peuple, et de le protéger contre les intérêts privés…

***

Cette affaire est tout de même ahurissante.

Voilà un accord qui est susceptible de lier 34 pays et d’encadrer la plupart de nos institutions nationales, et les députés qui sont censés représenter nos intérêts ne peuvent même pas le lire!!!

Afin de sauver les meubles, le ministre Pettigrew a promis qu’il organiserait un débat exploratoire d’une journée à la Chambre des communes avant la tenue du Sommet. Mais comment les parlementaires pourront-ils débattre d’un texte qu’on leur interdit de lire?

Et après ça, le ministre Dion vient nous parler de clarté référendaire!

Verriez-vous ça, vous, un référendum portant sur un projet de loi tenu secret? Ottawa nous enverrait l’armée! Pourtant, c’est exactement ce que fait le gouvernement fédéral. C’est même pire: les députés devront débattre d’un texte qu’ils ne connaissent pas… et ils ne pourront même pas voter.

Comme le dit le gag: "La dictature, c’est ferme ta gueule. La démocratie, c’est cause toujours…"

Pensez-vous que les grosses banques et les grosses multinationales ne l’ont pas lue, cette entente? Qu’elles ne l’ont pas analysée virgule après virgule, point après point? Qu’elles ne l’ont pas annotée, commentée, corrigée, voire approuvée? Ben voyons…

Alors pourquoi nos parlementaires, ceux-là mêmes qui sont censés diriger les destinées du pays, ne peuvent-ils tenir ce texte entre leurs mains?

En décidant de garder les termes de cette entente secrets, en refusant systématiquement tout débat éclairé, en empêchant les élus de se prononcer en toute connaissance de cause sur un accord qui risque d’altérer fondamentalement le paysage économique canadien, le gouvernement libéral a tout simplement détourné le processus démocratique.

Les Dion, Copps, Pettigrew, Cauchon et compagnie ont dit, ni plus ni moins, que l’avenir du Canada ne regardait que le Parti libéral du Canada.

Ça, c’est pas mal plus grave qu’une simple histoire d’auberge…

Et pendant ce temps-là, la Ville de Sainte-Foy vient de voter une loi permettant aux policiers d’arrêter toute personne portant un masque ou se couvrant le visage lors d’un attroupement.

Beau pays.