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Le Parrain n’est pas un film sur la mafia, c’est un film sur le monde des affaires, l’univers des grosses corporations."
Francis Coppola, 1973
Le lundi 26 février, le National Post affirmait que les chefs des mafias italiennes de l’Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique s’étaient réunis en janvier à Toronto afin de développer des stratégies communes visant à contrer la montée des Hells Angels et des Rock Machine.
Pour un soir, les parrains ont mis leurs différends de côté, histoire de battre leurs compétiteurs.
Quelques jours après la débâcle de Nortel, c’est donc au tour d’un autre fleuron de notre économie nationale de mordre la poussière: Mafia inc.
Il faut dire que la vie n’est pas facile dans le monde du crime organisé. Terminée, l’époque où la mafia régnait en maître, telles Coca-Cola ou GM dans les années 60. Les Italiens ont maintenant un compétiteur de taille dans les pattes: les gangs de motards. Cette nouvelle entreprise est plus jeune, plus agressive, plus dynamique. Contrairement à Mafia inc. qui croule sous le poids de sa bureaucratie vieillissante, les Hells sont lean and mean. Ils font régulièrement le ménage dans leurs rangs et n’hésitent pas à recourir à la méthode forte pour affaiblir leurs compétiteurs et envahir de nouveaux marchés.
Comparée aux motards, Mafia inc. fait figure de dinosaure. Ses méthodes de gestion, basées sur le respect des traditions et des valeurs familiales, sont périmées. Vito Rizzuto, le capo di tutti capi de la mafia canadienne, ne fait plus le poids aux côtés des Maurice Boucher de ce monde. Il n’a pas réussi à prendre le virage technologique. Contrairement aux Hells, qui utilisent Internet pour vendre des t-shirts, des casquettes et toutes sortes d’autres produits dérivés, Mafia inc. n’a pas de site Web, ses leaders fuient les caméras comme la peste, et l’entreprise n’est pas parvenue à commercialiser sa marque de commerce…
Prenez le branding. Tout le monde connaît le logo des Hells: il est aussi populaire que celui de Levi’s ou de Nike. Mais qui connaît le logo de la mafia? Personne. Idem pour Vito Rizzuto, un homme secret et timide qui n’est même pas foutu d’avoir un surnom. Bref, Mafia inc. a un sérieux problème d’image.
Et que dire du look de ses dirigeants! Avec leurs complets rayés et leurs cheveux gominés à l’Aqua Velva, les chefs de la mafia italienne semblent sortis d’une autre époque. Ils ressemblent à Dean Martin, alors que les Hells, eux, ont adopté le look Bon Jovi.
Soyez franc: si vous étiez un jeune délinquant et que vous envisagiez de faire carrière dans le crime, quel clan choisiriez-vous? Les mononcles de Mafia inc., ou les boys des Hells?
Si Mafia inc. veut survivre dans ce monde de plus en plus compétitif, elle doit réorienter son tir et adopter des méthodes modernes de gestion. Sinon, ses actions risquent de chuter radicalement. Hier, à la fermeture de la Bourse de Toronto, les actions de Mafia inc. avaient baissé de trois points, alors que celles des Hells connaissaient une hausse spectaculaire, et ce, pour la quatrième journée consécutive. Si la tendance se maintient, monsieur Rizzuto risque de devenir le prochain John Roth. Il mettra ses actionnaires en colère, et perdra la confiance de son c.a.
Mafia inc. peut-elle se retourner sur un dix sous et échapper à la faillite? Oui, mais il va falloir agir vite. L’entreprise devra prendre le taureau par les cornes et revoir son organigramme de haut en bas. D’abord, diminuer le nombre de ses vice-présidents. Ensuite, changer son image du tout au tout (si Claude Blanchard a réussi à passer de vedette quétaine à grand comédien respectable, il y a de l’espoir). Enfin, recueillir l’appui d’importants financiers et faire une O.P.A. contre les Hells. À moins qu’elle ne fusionne tout simplement avec l’ennemi, comme Time-Warner.
Quant aux Hells, ils pourront demander l’aide de la Caisse de dépôt ou du Fonds de la FTQ pour garder leur indépendance. Après tout, les motards criminalisés font partie du patrimoine québécois. Il y a un peu de nous autres là-dedans…