Depuis le temps qu’on en parle, le Grand Jour est enfin arrivé. La société civile est descendue dans les rues de Québec afin d’aller manifester son opposition à la Zone de libre-échange des Amériques.
Devant une marée de flics qui semblaient répéter une chorégraphie de Jean-Pierre Perreault (trois pas de côté, tout le monde recule en tapon, demi-tour à droite), les manifestants ont crié leur refus d’un monde où les grosses multinationales ont autant de droits, sinon plus, que les citoyens.
"C’est le début d’un temps nouveau, a-t-on répété. Au cours des prochains mois, ce mouvement ira en grossissant, et de plus en plus de gens manifesteront leur désaccord vis-à-vis de ces sommets."
Ah oui?
Lorsqu’on étudie le paysage politique, on a plutôt l’impression que c’est le contraire qui se produit: le message antimondialisation ne cesse de perdre du terrain.
C’est Martin Koskinen, président de Force Jeunesse, un regroupement qui milite pour l’amélioration des conditions de vie des jeunes, qui me faisait remarquer ça, la semaine dernière. Toute la plate-forme du NPD est basée sur le discours antimondialisation: limiter le pouvoir des grosses corporations, protéger les emplois domestiques, mettre l’accent sur les valeurs humaines plutôt que sur la recherche du profit, etc. Or, qu’arrive-t-il avec le NPD? Il est en train de disparaître de la carte politique canadienne.
Lors des élections de juin 1997, le NPD, qui se veut la conscience sociale du pays, n’avait récolté que 21 sièges. Et il y a six mois, en novembre 2000, le parti d’Alexa McDonough s’est enfoncé davantage dans la vase, ne conservant plus que 12 sièges, soit le seuil minimal fixé pour être reconnu officiellement au Parlement. Quant à sa part du vote populaire, elle est passée de 11 % à 8,5 %.
Méchant mouvement, en effet…
On me dira que la déconfiture du NPD n’est pas représentative de ce qui se passe sur le terrain; que les opposants à la mondialisation ont tout simplement choisi de militer en dehors des partis politiques traditionnels, et que ce n’est pas parce que le NPD prend l’eau que le mouvement antimondialisation pique du nez, au contraire.
Je veux bien. Mais est-ce vraiment la bonne stratégie? Ne vaut-il pas mieux défendre ses idées au sein-même du Parlement plutôt que de brandir des pancartes derrière des clôtures?
La gauche est en train de faire comme le mouvement souverainiste au Québec: elle se scinde en deux. Et, ce faisant, elle se marginalise.
Là-dessus, croyez-le ou non, je suis plutôt d’accord avec l’analyse de Pierre Falardeau (voir notre courrier des lecteurs): "Les politiques de gauche qui ne servent qu’à paver la victoire de la droite sont-elles des politiques de gauche ou des politiques gauches?"
Je lance la question…
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Michel Trudeau (inspiré par ce qu’il est convenu d’appeler "l’affaire Lepage") signe une Grande Gueule sur les critiques. "Aujourd’hui, on appelle "critique" à peu près n’importe qui et son cousin", déplore-t-il. Selon lui, cette situation n’aide personne, ni les artistes ni les critiques sérieux.
J’ai une bonne anecdote à vous raconter à ce sujet.
Il y a quelques jours, mon confrère Luc Boulanger est allé couvrir la conférence de presse soulignant le 50e anniversaire du TNM. Il discutait avec Alexis Martin, Céline Bonnier et Anne-Marie Cadieux lorsqu’une jeune journaliste de télé se pointa devant le groupe avec son cameraman. Elle voulait faire un topo sur l’adaptation théâtrale de L’Hiver de force, de Réjean Ducharme, qui sera présentée au TNM en novembre, et qui mettra en vedette le trio de comédiens.
Ne connaissant pas Luc Boulanger, la jeune journaliste lui demande:
– Et vous, vous êtes qui?
Il est l’auteur, de blaguer Alexis Martin.
Oh, est-ce que je peux vous interviewer? demande la journaliste à Luc.
La fille ne savait absolument pas qui était Réjean Ducharme. Et elle est reporter culturelle pour la télé!
Heureusement que Luc Boulanger n’a pas joué le jeu, car elle aurait eu l’air d’une vraie conne en direct devant des milliers de personnes.
Accepterait-on qu’un chroniqueur politique ne connaisse pas Paul Martin ou Lucienne Robillard? Absolument pas. Pour parler politique à la télé, vous devez connaître par coeur la date de naissance et le surnom de tous les députés qui ont siégé aux deux parlements depuis juin 1946. Mais lorsque vient le temps de couvrir le joli monde de la culture, la rigueur prend le bord.
Un joli minois, un look branché, et vous avez le poste. On est plus exigeant envers les Miss Météo!
Trudeau a raison: n’importe qui, aujourd’hui, peut se dire critique. Mais ce n’est pas ça, le pire.
Le pire, c’est que ces "journalistes" ne sont jamais barrés à aucune conférence de presse, eux.
Parce que leur ignorance et leur manque de jugement font l’affaire de tous les Robert Lepage de ce monde…