"You know how they call a Big Mac in France? Royal with cheese."
John Travolta dans Pulp Fiction
Mardi dernier, TV5 diffusait un excellent reportage sur José Bové, le célèbre paysan français devenu la figure de proue du mouvement antimondialisation.
"Je milite contre la globalisation et pour défendre le droit des peuples de se nourrir comme ils l’entendent", affirmait Bové, la pipe à la bouche. Difficile d’être contre ce genre d’énoncé. Après tout, les Français ont bien le droit de préférer le roquefort au fromage jaune en plastique!
Le hic, c’est que ce n’est peut-être pas le cas…
Savez-vous quel est le restaurant le plus fréquenté en France? Un boui-boui du boulevard Saint-Germain, un troquet sympathique de Montparnasse, un petit bistro de Marseille où l’on mange de la bouillabaisse sur fond d’accordéon musette?
Non: c’est le McDo des Champs-Élysées. Ce resto est l’un des fleurons de l’empire McDonald’s. Et, aux dernières nouvelles, aucun garde armé n’obligeait les passants à entrer dans l’établissement maudit. Les gens bouffent du Big Mac volontairement, en toute connaissance de cause. Et ils en redemandent!
Bové aime beaucoup la démocratie. Il a souvent ce mot à la bouche: "Les multinationales ne sont pas démocrates, nous devons faire preuve de plus de démocratie et écouter ce que le peuple a à dire…"
Eh bien, chaque jour, le peuple français ouvre la bouche… pour bouffer des hamburgers dans un des 760 McDo établis en France.
Je ne dis pas qu’ils aient raison ni que McDo soit bon pour la santé. Je dis qu’il est faux que Bové parle au nom du peuple français. Bové parle au nom de la Confédération paysanne, un syndicat d’agriculteurs qui lutte pour protéger les intérêts de ses membres.
Si Bové organisait un référendum dans son pays, demandant à son cher peuple s’il souhaiterait que l’on interdise les McDo sur le territoire français, il essuierait la défaite de sa vie.
Oh, bien sûr, en public, personne ne se vante d’aller chez McDo. Aucun Français fier de sa personne n’ira sur un plateau de France 2 louanger la multinationale américaine. Mais dans leur vie privée, lorsque les caméras sont parties, nos cousins d’outre-mer font comme n’importe quel plouc d’Istanbul, de Tokyo ou de Flin-Flon: ils s’empiffrent de Big Mac et de MacPoulet.
C’est comme les BBM. Lorsqu’on demande aux téléspectateurs quelles émissions ils regardent à la télé, ils répondent toujours La Semaine verte, Chasseur d’idées et les entrevues songées de Denise Bombardier. Mais, en réalité, ce sont les conneries tel le Concours du plus bel homme qui défoncent la baraque. Près d’un million et demi de personnes ont regardé cette merde!
La vraie question, ce n’est pas de savoir si l’on devrait interdire les McDo. C’est de savoir POURQUOI les gens vont manger chez McDo. À quels besoins cette multinationale répond-elle?
De grâce, ne me dites pas que c’est à cause de la pub! Je suis arrosé de pubs de McDo depuis que je suis petit, et je fuis ces restos comme la peste. On graverait le logo de McDo sur la lune que je n’y mettrais jamais les pieds.
En 1993, The Last Action Hero, une superproduction mettant en vedette le gros Arnold Schwarzenegger, est sorti en grande pompe sur les écrans du monde entier. Les producteurs du film ont dépensé une fortune pour en faire la promotion. Ils ont même acheté de l’espace publicitaire sur la navette spatiale, une première mondiale! Or, le film s’est royalement planté.
La pub est un des éléments pouvant expliquer le succès d’un produit, mais ce n’est pas le seul.
À mon humble avis, si les restaurants McDo sont si populaires partout sur la planète, c’est qu’ils sont en parfaite harmonie avec le monde dans lequel nous vivons.
Le rythme de la vie moderne est de plus en plus rapide, personne n’a le temps de relaxer, et nous courons tous comme des poules pas de tête. Or, que donne-t-on aux poules pour les nourrir? De la moulée.
Depuis quelques années, un nouveau mouvement international a vu le jour: le Slow Food. Les tenants du Slow Food (ils sont 65 000 répartis dans 45 pays)se battent pour que l’acte de manger redevienne une source de plaisir. Leur mascotte est l’escargot, et ils dénoncent farouchement les conséquences néfastes du fast-food.
Ils sont sympas, les amis de Slow Food. Mais ils prennent l’équation à l’envers. Ce n’est pas en adoptant de nouvelles habitudes culinaires que nous allons changer de vie: c’est en changeant notre vie que nous allons adopter de nouvelles habitudes culinaires. Ce n’est pas un mouvement Slow Food qu’il faut mettre sur pied, mais un mouvement Slow Life! Le reste, ensuite, viendra…
Comme plusieurs militants, José Bové pose de très bonnes questions. Mais il apporte de mauvaises réponses.
McDo n’est pas l’ennemi: c’est un symptôme. Le mal est beaucoup plus grand, beaucoup plus puissant que n’importe quelle multinationale.