Ondes de choc

A-t-on le droit de tuer Satan?

Je sais que ça peut paraître étrange, mais avec Timothy McVeigh, les gens qui militent contre la peine de mort viennent de trouver leur meilleur porte-parole à vie.

En effet, la mise à mort de McVeigh prouve mieux que n’importe quelle autre exécution que la peine capitale ne sert strictement à rien.

McVeigh a quitté ce monde lundi dernier à 7 h 14. Qu’est-ce que cela a changé? Ses 168 victimes ne reviendront pas à la vie. Le terrorisme constitue toujours une menace. Et les groupes de milice d’extrême droite continueront de s’armer en vue d’une éventuelle guerre civile.

Habituellement, lorsqu’on veut montrer que la peine de mort est inutile, inhumaine et dangereuse, on ressort toujours l’exemple du gars innocent que l’on a électrocuté par erreur. "On croyait qu’il avait sauvagement violé et assassiné deux mineures, mais après avoir effectué un test d’ADN sur un poil de sa moustache prélevé à la morgue, nous nous sommes rendu compte que nous avions exécuté le mauvais gars. Oups! Nos excuses à ses proches…"

C’est la formule hollywoodienne: vous prenez un acteur hyper-sympathique (Denzel Washington, par exemple), vous lui demandez d’interpréter un faux coupable emprisonné pour un crime qu’il n’a pas commis, et la foule en délire réclamera sa remise en liberté avant d’aller jouer aux machines à boules dans le hall du Paramount.

Avec McVeigh, c’est le contraire. Lui, c’est le salaud intégral. Pas de remords, pas de compassion, rien. Même pas une amie religieuse comme le "héros" de Dead Man Walking. Plus dégueulasse, il te pousse des cornes sur la tête.

L’exécution de McVeigh aurait dû soulager tout le monde. Or, nous avons tous un goût amer dans la bouche.

Non seulement avons-nous l’impression que cela n’a rien réglé, mais le cirque qui a entouré l’événement aurait fait honte à P. T. Barnum lui-même. Tout juste si Flash n’a pas envoyé Herby Moreau à la prison de Terre Haute! "Monsieur McVeigh, monsieur McVeigh, que comptez-vous manger pour votre dernier repas?"

C’est facile d’être contre la peine de mort lorsqu’on a des doutes sur la culpabilité du gars qui est assis sur la friteuse à deux pouces du commutateur. Tout le monde est contre la peine capitale dans ce cas-là, même George W. Bush! Mais le vrai débat se joue ailleurs.

C’est comme la liberté d’expression. Facile de demander la libération d’un stand-up comic africain qui a été jeté en taule après s’être moqué du tour de taille du président du Kenya lors d’un bien-cuit à Nairobi. Qui serait contre? Mais militer pour la liberté d’expression, c’est aussi défendre les historiens fascistes qui affirment que les camps de la mort nazis n’ont jamais existé.

Ou permettre à Guy Bertrand de comparer les Québécois anglophones aux Kurdes.

Ça demande beaucoup de foi et d’abnégation.

Eh bien, c’est exactement ce que fait l’exécution de Timothy McVeigh. Ça force les gens à débattre des vraies questions, des véritables enjeux.

Il ne s’agit pas de sauver la vie de Joe Blow, honnête père de famille condamné par erreur. Mais bien de questionner la peine de mort per se.

A-t-on le droit d’électrocuter Satan?

Il ne s’agit pas de savoir si McVeigh est coupable: il l’est. Ni s’il peut être réhabilité: on s’en fout.

La question, c’est: Devrions-nous accorder à l’État le droit de tuer? Les gouvernements devraient-ils avoir le droit de vie et de mort sur leurs citoyens?

D’un côté, on dit que l’État est incompétent, corrompu, paresseux, incapable même de s’occuper de nos déchets convenablement; et de l’autre, on lui accorderait le plus suprême des droits? Voyons…

Lundi dernier, Satan a été mis à mort par le gouvernement américain. Et mardi, l’enfer brûlait toujours…

La seule différence, c’est qu’on y trouve un locataire de plus.

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Un petit mot pour vous signaler que notre nouveau calendrier électronique est maintenant en ligne sur notre site Web. Ça fait un an que les wiz kids de notre département multimédia travaillent d’arrache-pied sur ce projet. Eh bien, après deux tonnes de Doritos et quatre dépressions nerveuses, il est finalement prêt.

Et ce n’est pas pour nous vanter, mais le résultat est extraordinaire. Allez y faire un tour, vous m’en donnerez des nouvelles…