Attention, mesdames et messieurs, le pays est en danger!
En début de semaine, la Défense nationale a découvert qu’un officier haut gradé des Forces armées canadiennes avait utilisé l’ordinateur portatif que l’État lui avait gracieusement prêté pour visiter des sites pornos.
Heureusement, les autorités ont agi prestement. Le militaire de 52 ans a été temporairement relevé de ses fonctions, et risque une peine allant du renvoi pur et simple de l’armée à l’emprisonnement à vie!
Que voulez-vous, on ne lésine pas avec ce genre de crime. Après tout, c’est notre sécurité qui est en jeu. Celle de votre mère, de vos enfants…
Le plus ridicule dans toute cette histoire, c’est que le bonhomme en question n’avait pas visité des sites pédophiles ou bestiaux, mais des sites pornos ordinaires, mettant en vedette des modèles majeurs et vaccinés. (Et qu’il l’avait fait en utilisant son propre branchement Internet, donc son propre argent.)
Mais voilà, il paraît que ce geste constitue un crime de lèse-majesté. Les haut gradés de l’armée ne devraient pas utiliser les ordinateurs appartenant au gouvernement pour se rincer l’oeil. Pour surfer sur des sites d’armes et de munitions, oui. Pour s’informer sur les nouvelles mines anti-personnel qui vous tranchent la jambe juste en bas du genou, oui. (Après tout, il faut se tenir au courant des nouvelles technologies, le monde des armes offensives change si rapidement…)
Mais pas pour regarder une paire de seins. Trop dangereux. Même si vous faites attention à ne pas éjaculer sur le clavier…
Geraldine Glattstein, directrice exécutive du groupe Women Against Violence Against Women (les Femmes contre la violence faite aux femmes), a applaudi le renvoi de l’officier des deux mains. "C’est dangereux pour les femmes d’être supervisées par un homme qui passe ses temps libres à surfer sur ce genre de sites, a-t-elle déclaré. La porno transforme votre perception des femmes."
Quant à l’armée canadienne, ses porte-parole prétendent que "ce genre d’activité est incompatible avec la position de confiance et d’autorité occupée par l’officier".
Si le bonhomme était un simple soldat, il pourrait passer ses journées à lire Hustler ou Honcho. Mais pas un officier. Les officiers doivent montrer l’exemple. Ils ne boivent pas, ne jurent pas et ne regardent jamais de films de cul.
Et quand ils baisent, c’est le vendredi soir dans la position du missionnaire, avec un drapeau canadien étampé sur le bout de leur condom.
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Depuis quelques années, on ne compte plus les histoires de ce genre: vedettes prises sur le fait avec une pute, politiciens pris en flagrant délit d’adultère, etc.
Ces histoires salées contribuent à créer un climat de fausse transparence. "Regardez, les maîtres du monde ne peuvent plus rien nous cacher car nous avons installé une mini-caméra dans leur chambre à coucher."
Rien de plus faux. Ce n’est pas parce qu’un militaire a été renvoyé pour avoir fait le garde-à-vous devant une Playmate pixellisée que l’armée est propre comme neige.
On pense que le pouvoir ne peut plus nous baiser parce qu’on tient son pantalon à l’oeil. On est comme un inspecteur de la salubrité des restaurants qui ne s’intéresserait qu’à la propreté des chiottes. Qu’importe si des rats géants grouillent sur le comptoir de la cuisine, ou si une colonie de fourmis niche dans le garde-manger, l’important, c’est que les toilettes soient nickel et qu’il y ait du papier-cul en quantité.
Cette semaine, au Téléjournal, on a pu voir une entrevue avec le faiseur d’image de Bernard Landry. L’homme nous disait combien le premier ministre avait de la difficulté à "connecter" avec le public, et quelles stratégies son équipe avait adoptées afin de le rendre plus sympathique aux yeux de ses électeurs. "Nous lui avons dit de contrôler ses sautes d’humeur, de prendre des bains de foule, de se donner une image de gauche…"
Le tout était dit candidement. Voici les trucs que nous utilisons pour améliorer l’image de notre produit et pénétrer de nouveaux marchés. Nous n’avons plus de secret pour vous. De toute façon, tout le monde sait comment la politique fonctionne, alors…
Un extraterrestre regarderait ça et se dirait: "Dieu qu’ils sont ouverts et transparents!" Alors qu’en fait, c’est tout le contraire. Cette fausse transparence n’est que de la poudre aux yeux.
Un paravent déguisé en fenêtre.