Ondes de choc

Gouttes d’eau dans l’océan

"Une politique publique appartient, en bout de piste, aux citoyens. C’est non seulement pour eux qu’elle est faite, mais ce doit être aussi, le plus possible, avec eux."

Sénateur Pierre-Claude Nolin, président du Comité spécial d’étude sur les drogues illicites au Canada

Selon un rapport de la section antidrogue de la GRC, le trafic de la drogue au Canada a généré des revenus de plus de 22 milliards de dollars en 2000. La seule production de marijuana atteint désormais 800 tonnes!

Afin de combattre cette industrie illicite, les forces policières redoublent d’efforts. Elles multiplient les descentes, font des saisies, encadrent les raves.

Il y a quelques semaines, le ministre Martin Cauchon, responsable de l’Agence des douanes et du revenu du Canada, a même annoncé qu’il investira quatre millions de dollars supplémentaires afin de combattre le trafic de drogue au port de Montréal ainsi qu’aux aéroports internationaux de Mirabel et Dorval.

Avec les huit millions déjà existants, cela fera 12 millions de dollars consacrés exclusivement à combattre la contrebande au Canada.

Sortez vos calculatrices: 12 millions de dollars, c’est 0,5 % des sommes générées annuellement par l’industrie de la drogue au Canada.

Wow! C’est la mafia qui doit trembler dans ses culottes…

On devrait obliger tous les élus à regarder Trafic, le film de Steven Soderbergh. Ils y apprendraient deux ou trois choses importantes.

Les montants investis par les gouvernements occidentaux dans la lutte contre la drogue ne sont que de minables gouttes d’eau comparativement aux sommes colossales dont disposent les puissants cartels.

Avec les traités de libre-échange qui sont en train d’éroder les frontières, il sera bientôt aussi facile de transporter de la drogue d’un bout à l’autre du continent américain que d’envoyer une carte postale de Cancun.

La source du mal n’est pas l’offre, mais la demande. Tant qu’il y aura des junkies, il y aura des trafiquants. Il est donc grand temps d’envisager le problème sous l’angle médical, et non criminel…

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Connaissez-vous Gary Johnson? C’est le gouverneur du Nouveau-Mexique.

Johnson (un membre du parti républicain, soit dit en passant) croit que la guerre contre la drogue est un gaspillage honteux des fonds publics. Comme de plus en plus de gens aux quatre coins du monde, il souhaite que les autorités adoptent une nouvelle approche. Selon lui, il faudrait carrément légaliser les drogues – pas seulement le pot, mais aussi la coke et l’héroïne!

En mai dernier, Gary Johnson a invité les principaux opposants à la guerre contre la drogue à débattre de la question dans son fief, à Albuquerque. Huit cents personnes s’y sont pointées. Pas seulement des ravers ou des poteux, mais des chefs de police, des leaders religieux, des éducateurs et des confrères du parti républicain. (Pour lire un excellent compte rendu de cette réunion historique, achetez le dernier numéro de Rolling Stone, avec Radiohead sur la couverture.)

Tout ce beau monde s’est entendu sur une chose: la guerre contre la drogue est en train de virer à l’hystérie au pays de George W. C’est ainsi que 41 États ont adopté des lois permettant de traiter les jeunes contrevenants comme des adultes, même si le taux de crimes violents commis par les jeunes n’a jamais été aussi bas depuis 25 ans!

Bref, on est en train de perdre complètement les pédales.

Idem au Canada. Nous ne sommes pas aussi extrémistes que nos voisins du Sud, certes, mais nous marchons dans la même direction. Il suffit de voir la façon dont la police agit dans le dossier des raves. Si ce n’est pas de la paranoïa, je me demande ce que c’est. Comme l’écrivait fort judicieusement Nathalie Petrowski dans La Presse mardi, le territoire rave de Montréal est en passe d’être occupé par les flics. Comme si seuls les ravers consommaient de la drogue! À quand des fouilles systématiques à l’entrée des gros bureaux pendant la période des partys de Noël?

Les militants antimondialisation du Canada se serrent les coudes, échangent des informations et mettent leurs forces en commun. Eh bien, le temps est venu pour les groupes pro-légalisation de faire de même, et d’organiser un gros pow-wow national afin de faire entendre leurs voix.

Car le chemin emprunté jusqu’à maintenant est un véritable cul-de-sac.