Ondes de choc

Les grands pardons

Il est beaucoup question de "réparations" par les temps qui courent. Réparations pour les crimes commis contre les Juifs, les Noirs, les Amérindiens…

Dans ce concert de récriminations, par contre, une voix est étrangement absente: celle des femmes. Pourtant, s’il y a un groupe qui a été systématiquement exploité au cours des siècles, et dans toutes les sociétés (ou presque), c’est bien celui-là.

On leur a refusé le droit de vote. On les a écartées du milieu du travail. On les a forcées à se marier. On les a obligées à porter le voile. On a condamné les infidèles à la peine capitale; les veuves, à la rue; les vieilles filles, au couvent; les épouses, à la cuisine. On les a traitées d’hystériques, de nymphomanes, de frigides. On les a sous-payées, battues, violées. Et, comme si ce n’était pas suffisant, histoire de leur faire craindre même la mort, on leur a répété qu’elles n’avaient pas d’âme et qu’elles n’étaient pas dignes de propager la parole de Dieu…

Alors, quand présenterons-nous des excuses officielles aux femmes? Après tout, elles forment plus de la moitié de l’humanité! Si les Blancs doivent offrir une compensation financière aux Noirs, je ne vois vraiment pas pourquoi on n’agirait pas de même envers les femmes…

Vous êtes d’accord? Alors sortez vos calculatrices.

Il y a présentement 6 milliards d’individus sur la Terre. Quelque 60 % d’entre eux sont de sexe féminin. Cela fait donc 3,6 milliards de femmes.

Mettons que nous leur donnions 10 mille dollars chacune pour "réparer les erreurs du passé" (l’équivalent de la somme qu’a versée le gouvernement du Québec aux orphelins de Duplessis). Cela fait 360 000 000 000 000 de dollars. Rendu à ce nombre de zéros, je ne sais même plus comment ça s’appelle. Des trilliards? Des gonzilliards?

En tout cas, ça représente une méchante hypothèque.

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Vous pensez que je rigole? Absolument pas. Je suis diablement sérieux.

Si c’est vrai qu’il faut donner des sommes d’argent pour "réparer les erreurs du passé", alors poussons la logique jusqu’au bout et incluons tout le monde, pas seulement les membres de tel ou tel groupe.

Quant aux femmes noires, elles devraient avoir droit à une double compensation.

Robert Brock, un avocat de Washington, milite depuis plusieurs années au sein du Self Determination Committee. Cet organisme sans but lucratif exige que le gouvernement américain verse une compensation financière à tous les descendants des esclaves noirs vivant aux États-Unis. Selon Brock, le gouvernement devrait verser un demi-million de dollars à chaque Afro-Américain, plus les intérêts calculés à partir de 1865, année où l’esclavage fut jugé illégal.

Gonflé, Brock? Pas particulièrement. Sur son site Internet, le groupe N’COBRA (National Coalition of Blacks for Reparations in America, le plus gros organisme du genre) rappelle que plusieurs groupes ethniques ont déjà bénéficié de telles compensations financières.

Les Japonais internés dans des camps de travail pendant la Deuxième Guerre mondiale ont reçu 1,2 milliard de dollars de la part du gouvernement américain. L’Autriche a versé 25 millions aux survivants de l’Holocauste. Le Canada a donné 230 millions aux Japonais internés dans les années 40. Les Autochtones du Michigan ont reçu 32 millions; ceux du Wisconsin, 31 millions; ceux de Floride, 12,3 millions; ceux du South Dakota, 105 millions; ceux de l’Oregon, 81 millions. Le gouvernement américain a versé un milliard de dollars aux Esquimaux de l’Alaska. L’Allemagne a donné 822 millions aux rescapés de l’Holocauste. Etc., etc.

"L’esclavage a permis à de nombreuses familles de s’enrichir, de dire Robert Brock. Des millions d’Américains ont fait du fric sur le dos des Noirs. Il est temps de redistribuer un peu de cet argent."

On pourrait dire la même chose en ce qui a trait aux femmes. L’exploitation systématique des femmes a permis à des millions d’hommes de s’enrichir, de grimper les échelons du succès, de travailler en toute quiétude sans penser à l’épicerie, aux travaux ménagers, à l’éducation des enfants…

Au lieu de demander du pain et des roses, nos féministes devraient plutôt exiger une compensation! Des dollars pour chaque repas préparé, chaque baise non consentie, chaque année passée loin de l’école ou du milieu du travail, chaque rêve brisé, chaque fillette refilée aux réseaux de prostitution.

L’ONU se penche actuellement sur la question ô combien délicate du racisme. Pourquoi ne pas organiser une conférence internationale sur le sexisme? Ça pourrait se tenir en Afghanistan. Pourquoi pas? Les Olympiques vont bien se dérouler en Chine…