"Nous vivons dans un monde entouré de murs qui doivent être protégés par des hommes armés jusqu’aux dents. Qui va le faire? Vous? Vous refusez de l’admettre, mais vous voulez nous voir sur ces murs, vous avez besoin de nous sur ces murs. Je n’ai pas envie de m’expliquer à un homme qui sommeille confortablement sous la couverture de la liberté que je lui procure, et qui questionne ensuite la manière dont je la lui procure. J’aimerais vous entendre dire merci et vous voir continuer votre route. Autrement, je vous suggère de prendre une arme et d’aller à votre poste."
– Jack Nicholson (le colonel Nathan Jessup) dans le film A Few Good Men
Si vous le voulez bien, cette semaine, on va se parler franchement. On va se regarder dans les yeux, on va laisser tomber la bullshit, et on va dire les choses comme elles sont: lorsqu’il est question de sécurité intérieure, les Canadiens sont foutrement hypocrites.
On veut le beurre et l’argent du beurre. Vivre dans un monde à l’abri du danger, sans sacrifier aucune de nos libertés individuelles.
On veut que les États-Unis fassent ce qui est nécessaire pour assurer notre sécurité, tout en continuant de les vilipender et de les traiter de fascistes quand ils dérapent. On agit comme des gérants d’estrade: toujours prêts à critiquer l’entraîneur-chef et le capitaine de l’équipe, mais jamais prêts à descendre sur la glace afin de pousser la rondelle.
On s’empresse de faire des téléthons avec Lara et Céline pour aider nos voisins du sud, mais quand vient le temps de vraiment s’impliquer dans la lutte au terrorisme, quand vient le temps de mettre nos couilles sur la table et l’épaule à la roue, on se déclare soudainement malades et on présente un papier du médecin.
Des trouillards, je vous dis. Des pleutres.
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Effectivement, les Américains sont forts en gueule, lourds, bellicistes. Mais, au moins, ils regardent la réalité en face. Ils savent que la paix exige des sacrifices. Ici, au Canada, on a la tête dans les nuages, on souffre d’une surdose d’angélisme. On pense que la quadrature du cercle existe, qu’on peut être à la fois progressiste et conservateur, souverain et associé, un havre de sécurité et un modèle de liberté individuelle.
On veut que la police puisse débusquer les terroristes qui se font passer pour d’honnêtes immigrants; mais on crie au meurtre lorsque quelqu’un suggère la création d’une carte d’identité nationale.
On veut que le Canada soit protégé de tout attentat, mais on déchire notre chemise dès qu’un politicien parle de resserrer nos frontières.
En fait, nous sommes hypocrites. Dans notre for intérieur, on souhaite que les autorités fassent ce qu’elles doivent faire pour assurer notre sécurité, mais on veut juste ne pas le savoir. "Donnez-moi mon steak, mais ne me montrez pas des images du boeuf que l’on abat. Ça ne m’intéresse pas."
On croit que le fait de se gargariser de bons sentiments va nous rendre plus sympathiques aux yeux des terroristes. Erreur: ça va juste nous rendre plus vulnérables. Lorsque viendra le temps de faire exploser une bombe dans le métro ou sous la Place Ville-Marie (ne riez pas, la menace est bel et bien réelle), les terroristes se foutront bien que vous soyez un défenseur des libertés individuelles ou un militant pour la paix dans le monde. À leurs yeux, il n’y a pas de bons ou de mauvais Nord-Américains. Nous sommes tous pareils, tous semblables: corrompus, diaboliques.
De la chair à Allah.
Certes, il faut éviter les excès, et se méfier comme de la peste des gens qui veulent instaurer la loi martiale et transformer le Canada en société policière. Mais il ne faut pas non plus rêver en couleurs.
Le cancer du terrorisme est présent au sein de notre société. On a même retrouvé des métastases à Montréal (une mosquée située rue Clark a servi de centre de recrutement pour Oussama ben Laden!). Ce n’est pas en organisant des vigiles aux chandelles qu’on va venir à bout de ce problème.
Ce n’est pas du fascisme: c’est, tout bêtement, regarder la réalité en face.
Les attentats du 11 septembre n’ont pas seulement détruit des vies et des gratte-ciel: ils ont fait éclater notre petite bulle de verre en mille morceaux. On se rend maintenant compte que rien n’est gratuit dans ce bas monde. Tout a des coûts. Autant la dureté de notre politique étrangère que la mollesse de notre politique intérieure.
Le temps est peut-être venu d’être plus humain à l’extérieur de nos frontières, et plus sévère à l’intérieur.