Les légendes urbaines sont comme les comètes. Elles font le tour de la Terre en quelques minutes, disparaissent aussi soudainement qu’elles étaient apparues, puis reviennent nous hanter 10 ans plus tard.
C’est le cas, par exemple, des snuff movies.
Régulièrement, quelqu’un affirme avoir découvert des films pornographiques dans lesquels de vraies personnes se font violer et massacrer.
Vrai? Faux? Difficile à dire. Selon de nombreux observateurs, l’existence des snuff movies serait une légende urbaine, qui aurait vu le jour au début des années 70.
En effet, un an après le massacre de l’actrice Sharon Tate par Charles Manson et sa bande d’illuminés, un producteur argentin a réalisé un film de série Z sur le sujet: Slaughter. Ce film contenait des scènes d’une extrême violence. Or, en 1976, un cinéaste américain nommé Michael Findlay a décidé de piquer ces scènes et de les inclure dans un faux documentaire intitulé Snuff (aussi connu sous le titre American Cannibale). Ce film, disait la publicité, contenait de véritables scènes de massacres qui avaient été tournées en Amérique du Sud, "là où la vie ne vaut pratiquement rien".
C’était, bien sûr, complètement faux. Mais qu’importe: un mythe était né. Mythe qui a fait le bonheur de plusieurs cinéastes italiens qui, au cours des années disco, ont tourné une pléthore de faux documentaires snuff (dont le plus connu demeure Cannibal Férox, sorte de Grands Explorateurs au pays des anthropophages). Ces documentaires sanguinolents sont aussi véridiques que le yéti, les petits bonshommes verts et les lolos de Demi Moore.
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Trente ans après la sortie du navet de Findlay, les films snuff sont encore d’actualité. Mais cette fois, le phénomène serait beaucoup plus inquiétant.
En effet, il y a quelques jours, La Presse annonçait que des films snuff circulaient librement sur Internet. Grâce à des logiciels comme Lime Wire ou Morpheus, qui permettent l’échange de documents audiovisuels, les internautes pervers pourraient visionner des scènes d’une violence inouïe – dont un film montrant deux jeunes enfants russes se faisant égorger par des hommes armés de tronçonneuses. Selon un agent de la GRC interviewé par la journaliste Marie-Andrée Amiot, ce film horrible serait véridique.
Serions-nous rendus si bas? Il semblerait que oui.
Il y a quatre ans, le journaliste israélien Yaron Svoray (qui s’est déjà fait passer pour un skinhead afin d’enquêter sur les mouvements néonazis en Allemagne) a signé un livre intitulé Gods of Death. Cet essai, publié par la très sérieuse maison d’édition Simon & Schuster, traitait justement des films snuff. Pendant deux ans, Svoray, un ex-flic, a parcouru le monde afin de savoir s’il y avait une once de vérité derrière le mythe. Il a rencontré des pornocrates mexicains, des membres de la mafia russe, des agents du FBI. Il a visionné des films interdits dans des sous-sols minables. Et il a interviewé plusieurs personnes peu recommandables… jusqu’à ce qu’il tombe sur Reginald Smith, un père de famille fortuné qui invita le journaliste à regarder un vidéo snuff dans lequel, jura-t-il, une jeune fille hispanique se faisait violer puis poignarder.
Le visionnement se déroula à New York, dans un palace protégé par des gardes de sécurité. Neuf hommes étaient présents. Ils portaient tous de très beaux vêtements, et étaient assis devant une grosse télé couleur. Après quelques minutes de bavardage poli, un homme dans la soixantaine entra dans le salon, une valise à la main. Il posa sa valise par terre, l’ouvrit et en retira une cassette, qu’il inséra dans le magnétoscope. Smith éteignit la lumière, et la séance débuta.
Selon Svoray, le film était extrêmement réaliste.
Une fois le court métrage terminé, Smith ralluma la lumière, et l’homme à la valise (qui était allé se faire un sandwich au jambon dans la cuisine) fit le tour des invités afin de récolter son dû: 1500 dollars par personne. Pour 250 000 dollars, on vous offrait une copie du film.
Smith dit également avoir rencontré Stephan Tomasovitch, un pornocrate serbe qui posséderait une collection personnelle de vidéos dépeignant des viols, des relations pédophiles et des exécutions sommaires.
Le livre de Svoray a été démoli à sa sortie, et plusieurs critiques l’ont accusé d’avoir inventé certaines scènes afin de se rendre intéressant. Ont-ils raison, ont-ils tort? Là encore, difficile à dire.
De toute façon, on s’en fout. La question n’est pas de savoir si les films snuff existent ou non.
C’est qu’il y a des gens qui sont prêts à tout pour en voir.