Vous êtes malade mais n’avez pas beaucoup d’argent de côté? Vous êtes mieux d’attacher votre tuque avec de la broche. En effet, on parle de plus en plus de privatiser notre système de santé. Ce qui était tabou avant-hier est maintenant l’objet d’études sérieuses de la part de nos gouvernements.
La raison: l’État n’a plus d’argent pour se payer un système public universel. Soit les citoyens acceptent de payer davantage (par un ticket modérateur ou une taxe spéciale), soit l’on devra couper dans les services offerts.
On nous ressort toujours la même raison: les coffres de l’État sont à sec et nous sommes endettés jusqu’au cou. Mais avons-nous épuisé toutes nos ressources? Avons-nous vraiment fait le tour de la question?
Prenez l’évasion fiscale, par exemple. Combien de centaines de millions de dollars nous passent sous le nez juste parce que des entreprises se sont ouvert des comptes de banque aux îles Mouc-Mouc? Avant de nous demander de payer davantage, ne devrait-on pas exiger que ces entreprises agissent comme des personnes morales et paient leur juste part?
Il semble que non. Nos élus sont passés maîtres dans l’art d’escamoter les vrais débats. On veut encadrer le travail des lobbyistes sous prétexte qu’ils menacent la démocratie, mais on ne parle plus de la réforme du système électoral. On veut établir une taxe spéciale pour financer le système de santé, mais on ne parle pas d’interdire les paradis fiscaux.
Vous ne trouvez pas ça absurde, vous?
"Quand le sage pointe la lune, l’idiot regarde le doigt", dit le proverbe. Eh bien, c’est exactement ce que fait l’État: il nous lime les ongles alors que nous avons le bras rongé par la gangrène.
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Vous voulez un exemple d’entreprise qui a fourré le système grâce aux paradis fiscaux? Prenez Enron.
Le géant américain de l’énergie, qui a déclaré faillite au début décembre, avait accumulé d’énormes dettes au cours des dernières années. Afin que ces dettes ne paraissent pas dans les livres comptables de l’entreprise (ce qui aurait eu pour résultat de faire fuir les actionnaires et de diminuer la valeur de la compagnie), les dirigeants d’Enron ont eu une idée brillante: ils ont transféré les dettes de leur entreprise dans des firmes bidon siégeant dans des paradis fiscaux.
Comme ça, non seulement les livres comptables d’Enron étaient-ils équilibrés, mais les compagnies bidon étaient protégées par le secret bancaire!
C’est ce qu’on appelle être en business.
Combien de firmes fantoches Enron a-t-elle mises sur pied? Tenez-vous bien: 881. Ça va d’Azurix Essel aux îles Caïmans à TDE Mauritius à l’île Maurice, en passant par EcoElectrica aux Bermudes et ACCROSERV à la Barbade.
Et attendez, ce n’est pas tout. En plus de ne payer AUCUN sou d’impôt pendant quatre ans, Enron a même reçu un remboursement du gouvernement fédéral de 382 millions de dollars! Qui dit mieux?
Il faut dire qu’Enron a des amis haut placés qui ont veillé sur ses intérêts.
Lawrence B. Lindsey, le principal conseiller économique de George W. Bush, est un ex-conseiller d’Enron. Timothy White, le secrétaire de l’armée américaine, est un ancien vice-président d’Enron. Un ex-avocat d’Enron a été nommé juge fédéral au Texas, un lobbyiste d’Enron siège au Parti républicain… Et la liste continue.
Lorsque George W. Bush s’est présenté officiellement comme candidat à la présidence des États-Unis, Kenneth Lay, le grand patron d’Enron, lui a fourni un de ses jets privés afin qu’il puisse faire campagne aux quatre coins du pays.
Lorsque Enron a inauguré son stade de baseball à Houston, en avril 2000, George W. était assis aux premières loges afin de voir son ami Kenneth lancer la première balle.
Lorsque George W. a décidé de nommer de nouveaux cerveaux à la Commission fédérale de réglementation de l’énergie, c’est Kenneth Lay lui-même qui a interviewé les candidats. Vous avez bien lu: c’est le grand patron d’Enron qui a approuvé les nominations des commissaires chargés de réglementer le transport et la production d’énergie aux États-Unis!!! Et comme par hasard, les candidats choisis appuyaient tous la déréglementation…
On calcule que depuis 1999, Enron a versé plus de deux millions de dollars à la campagne de George W.
Que c’est beau, l’amitié…
Qui sait? Bientôt, George junior annoncera peut-être à nos voisins du sud qu’ils devront se serrer la ceinture parce que les coffres du Trésor sont à sec. Ce jour-là, les gros patrons d’Enron iront verser des larmes de crocodile aux îles Caïmans.
Snif, snif.