Il y a quelques semaines, notre collaborateur Tommy Chouinard signait un texte portant sur la misandrie, l’équivalent féminin de la misogynie. Il décrivait comment les médias véhiculent souvent une image méprisante des hommes, en les montrant sous un jour ridicule, négatif, grotesque.
Or, la misandrie a deux visages. Elle ne fait pas que véhiculer une image caricaturale et infantilisante des hommes: elle a aussi tendance à montrer la femme comme une victime angélique, incapable de faire le moindre mal.
Prenez l’affaire Yates, par exemple.
En juin dernier, Andrea Yates, une Américaine de 37 ans, a noyé ses cinq enfants dans son bain. Après avoir calmement tué ses bambins de sept ans, cinq ans, trois ans, deux ans et six mois, madame Yates a signalé le 9-1-1 et demandé à la police de venir la chercher.
Andrea Yates subit actuellement son procès.
Or, devinez qui lui est venu en aide? Des groupes féministes! Le chapitre texan de la National Organization for Women, le lobby féministe le plus puissant aux États-Unis, a en effet organisé une vigile aux chandelles afin d’apporter son soutien à l’accusée. La raison: la pauvre madame Yates n’est pas un méchant bourreau qui a assassiné ses enfants, mais une innocente victime qui souffrait de dépression post-partum. Si elle a commis ce crime atroce, c’est parce que la société ne lui est pas venue en aide.
Quand un homme abat ses enfants dans un moment de folie, c’est un salaud de la pire espèce qui mérite toute notre haine. Mais quand une femme commet le même geste, c’est une pauvre victime du système patriarcal qui n’offre aucun soutien aux mères de famille.
Deux poids, deux mesures.
Vous trouvez que j’exagère? Du tout. Il y a quelques jours, Katie Couric, la célèbre journaliste du Today Show, présentait une entrevue avec la mère d’Andrea Yates. Non seulement l’entrevue était-elle indulgente envers l’accusée (après tout, elle a seulement tué ses cinq enfants…), mais à la fin du topo, on a affiché le numéro de téléphone de l’avocat de madame Yates, au cas où des téléspectatrices veuillent lui envoyer des sous.
Allô?!
Imagineriez-vous l’inverse, vous? Dépeindre un homme qui a abattu sa femme sous un jour positif, puis demander aux téléspectateurs de contribuer financièrement à sa défense? Aucun journaliste digne de ce nom n’accepterait d’agir ainsi. Mais quand c’est une femme qui a commis le crime, soudainement, notre vision des choses change. On essaie de comprendre, on explique, on met en contexte… "Elle était malade, fatiguée, dépressive."
Je ne dis pas qu’Andrea Yates ne souffrait pas de dépression. Mais pourquoi les hommes qui commettent des gestes violents n’ont-ils pas droit au même traitement? Pourquoi ne les dépeint-on pas eux aussi comme des victimes du système, des malades qui ont besoin d’aide et qui canalisent leur désespoir dans la violence, au lieu de toujours les montrer comme des monstres en pleine possession de leurs moyens?
Les maladies psychiatriques ne toucheraient-elles que les femmes?
Rosie O’Donnell, la célèbre animatrice de talk-show, a affirmé sur les ondes qu’elle ressentait énormément d’empathie pour madame Yates. Vous imaginez comment les Américains réagiraient si David Letterman osait avouer qu’il ressent une certaine empathie pour un homme qui a tué sa conjointe? "Je peux comprendre le calvaire qu’il a traversé, la pression qu’il subissait au travail, la peine qu’il a ressentie lorsque sa conjointe l’a quitté, la crainte de perdre ses enfants… Il a craqué, le pauvre, il mérite toutes nos prières."
Pas sûr qu’il se ferait des amis!
Tenez, c’est comme l’inceste. Notre société condamne sévèrement (et avec raison) les pères qui abusent de leurs enfants. Mais qu’en est-il de leurs femmes, qui, souvent, savent fort bien ce qui se passe mais choisissent de ne rien dire? Qu’attend-on pour les condamner, elles aussi? Les citoyens ne sont-ils pas tenus de signaler les crimes dont ils sont témoins et de venir en aide aux personnes en danger?
Ah oui, j’oubliais: ce sont des femmes – donc, de pauvres victimes innocentes. Elles ont peur de leur mari, elles pourraient perdre leurs privilèges, alors elles ferment les yeux et enjoignent à leurs enfants de se taire… Qui sommes-nous pour juger?
Les femmes ne sont jamais des bourreaux. Lorsqu’elles dérapent, elles ont toujours une bonne raison: le post-partum, le syndrome prémenstruel, la société patriarcale. Elles réussissent en dépit des hommes, elles échouent à cause d’eux.
Toutes des saintes, même maman.