"La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde."
– Première phrase de la Déclaration universelle des droits de l’homme
Le 12 mars, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution approuvant l’existence d’un État palestinien aux côtés d’Israël.
La résolution 1397, qui a été adoptée juste avant minuit, est historique. En effet, c’est la première fois que cette éventualité est envisagée publiquement par l’ONU. Mieux: ce sont les États-Unis, qui ont pourtant toujours appuyé Israël (beau temps, mauvais temps), qui ont présenté le texte de cette résolution!
Pourquoi le pays de George W. a-t-il soudainement changé d’avis en ce qui a trait à la création d’un État palestinien? Pourquoi le gouvernement U.S. a-t-il enfin pris ses distances avec Israël et rejoint les positions défendues par les pays membres de l’Union européenne? Simple: parce que notre bon Yankee Doodle Dandee s’est aperçu que sa maison risquait de sauter s’il ne réglait pas le problème du Proche-Orient à la source.
Ce qui nous amène à la question à 600 000 dollars: les États-Unis auraient-ils présenté une telle résolution s’il n’y avait eu aucun attentat contre le World Trade Center et le Pentagone, il y a six mois? Probablement que non.
Donc, d’une certaine façon, les Arabes qui ont applaudi le geste de Ben Laden avaient raison. Il faut vraiment faire sauter deux tours remplies d’innocentes victimes si l’on veut être entendu.
Sinon, c’est business as usual.
Il aura donc fallu une escalade brutale de la violence, des milliers de morts supplémentaires et un attentat terroriste monstrueux pour que le monde, subitement, sorte de sa torpeur et se mette à bouger.
Le message envoyé aux peuples qui souffrent dans l’indifférence générale est clair: si vous voulez qu’on vous écoute, commettez un geste horrible; sinon, vous continuerez à verser votre sang en vain, et nous continuerons à regarder des reprises de Magnum P.I. en mangeant des chips.
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Le 28 septembre 2001, soit 17 jours après les terribles attentats en sol américain, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 1373 demandant aux pays membres de faire l’impossible pour lutter contre le terrorisme international.
"Le Conseil de sécurité, affirme la résolution, déclare que les actes, méthodes et pratiques du terrorisme sont contraires aux buts et aux principes de l’Organisation des Nations Unies."
Difficile d’être contre cette affirmation. Cela dit, pourquoi faut-il toujours attendre que quelqu’un commette l’irréparable avant de bouger? L’un des principaux buts de l’ONU n’est-il pas justement de faire tout ce qui est en son pouvoir afin d’éviter la violence?
Consultez la Charte de l’ONU. Qu’y lit-on dans le préambule?
"Nous, peuples des Nations Unies, sommes résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre (…), à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice (…), à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande."
Or, qu’a fait l’ONU afin d’éviter la guerre au Proche-Orient? Pas grand-chose. Il aura fallu attendre 60 ans pour que l’organisme appuie enfin la création d’un État palestinien indépendant!
Pas étonnant que le sang ait coulé…
Comprenez-moi bien: il ne s’agit pas de défendre Ben Laden et ses sbires. Ces hommes sont des monstres, et les gestes qu’ils ont commis sont impardonnables. Mais voilà, il ne faut pas être dupes non plus. La meilleure façon de venir à bout du terrorisme est de faire en sorte qu’aucune nation ne se sente acculée au pied du mur.
Rien n’est plus menaçant pour la sécurité mondiale qu’un peuple en colère convaincu qu’il a Dieu de son côté et plus rien à perdre.
L’ONU doit faire plus que guérir: elle doit prévenir. "Prendre des mesures collectives efficaces en vue d’écarter les menaces à la paix", comme l’affirme l’article 1 de sa Charte.
Corrigez-moi si je me trompe, mais je ne crois pas qu’appuyer Israël les yeux fermés puisse être considéré comme une façon efficace et intelligente de maintenir la paix et la sécurité internationales…
Heureusement, l’ONU semble prête à envisager d’autres solutions. Il était temps.
Car comme l’a dit John F. Kennedy: "Ceux qui rendent les révolutions pacifiques impossibles rendent les révolutions violentes inévitables."