Avez-vous regardé l’émission Counterspin, sur les ondes de CBC Newsworld, le 29 avril dernier? On y diffusait un excellent documentaire de la BBC intitulé The Accused.
Ce film controversé, qui a été primé par Amnistie internationale, affirme que l’actuel premier ministre d’Israël, Ariel Sharon, devrait être traîné devant un tribunal international et accusé de crimes de guerre pour son rôle dans les terribles massacres commis dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila en 1982.
Rappelons les faits.
Au lendemain de la guerre qui a déchiré le Proche-Orient en 1948, des milliers de Palestiniens ont quitté leur terre pour s’installer dans des camps de réfugiés situés en banlieue de Beyrouth, au Liban. Ces réfugiés palestiniens étaient profondément détestés par les phalangistes libanais, une bande de cathos disjonctés qui leur vouaient une haine terrible et qui rêvaient de les exterminer. Afin de se débarrasser de ces milliers de Palestiniens et ainsi porter un coup fatal à Arafat, Ariel Sharon, qui était alors ministre de la Défense du gouvernement de Menahem Begin, a eu une idée machiavélique: il a permis aux troupes phalangistes d’entrer dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila. Pendant 36 heures, les 16 et 17 septembre 1982, les phalangistes ont commis l’un des pires massacres de l’histoire moderne. Ils ont scalpé des enfants, décapité des vieillards, violé, castré, éventré et égorgé des centaines d’innocents dans les rues, sans que l’armée israélienne ne lève le petit doigt.
Ariel Sharon a toujours plaidé l’ignorance. "Je ne savais pas que les phalangistes allaient commettre ces crimes affreux, dit-il. Si je l’avais su, je ne les aurais jamais envoyés dans les camps." Or, le journaliste de la BBC qui a réalisé le documentaire The Accused est formel: non seulement Sharon savait-il que les phalangistes allaient massacrer les Palestiniens, mais c’est ce qu’il souhaitait.
(Dans le livre Dialogue entre Israël et la Palestine, publié chez Plon en 1993, on apprend même que "Sharon observait le déroulement des massacres du haut d’une tour, à l’aide de jumelles"!)
Morale de l’histoire: l’actuel chef de l’État d’Israël est un criminel de guerre au même titre que Milosevic, et il devrait répondre de ses actes.
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Le documentaire The Accused est explosif, et a suscité la controverse partout où il a été présenté. Sa diffusion sur les ondes de CBC Newsworld a donc été suivie d’un débat.
Autour d’une table, l’animatrice Sharon Lewis a réuni plusieurs spécialistes du Proche-Orient: Norman Spector, ex-ambassadeur du Canada en Israël; Robert Frisk, correspondant du journal anglais The Independent; et Uri Dan, columnist au Jerusalem Post et l’un des principaux conseillers d’Ariel Sharon.
Le débat venait tout juste de commencer que, déjà, monsieur Dan grimpait dans les rideaux. "Le documentaire de la BBC est un tissu de mensonges, et sa diffusion est un acte antisémite", déclara-t-il.
Voilà, le mot était lancé. Quiconque critique Israël est un antisémite.
Le conseiller d’Ariel Sharon n’a jamais expliqué pourquoi la théorie mise de l’avant par The Accused était fausse, et il n’a jamais réfuté les témoignages des spécialistes interviewés par le journaliste de la BBC. Il s’est contenté de répéter que le documentaire était un pamphlet antisémite, c’est tout.
Je ne sais pas ce que vous en pensez mais, personnellement, je commence à en avoir ras le bol de ces militants sionistes qui crient à l’antisémitisme dès que quelqu’un, quelque part, ose critiquer les décisions du gouvernement israélien. Sharon n’est pas le représentant du peuple juif: c’est un chef d’État, et comme tous les chefs d’État, il doit répondre de ses actes. Le gouvernement israélien, à ce que je sache, n’a pas été nommé par Dieu. Il n’est pas infaillible.
L’accusation d’antisémitisme est devenue une sorte de bâillon que l’on applique sur la bouche des critiques d’Israël pour les faire taire.
Ceci est un jeu dangereux. Car à force de crier à l’antisémitisme, on va finir par banaliser les véritables actes antisémites.
On ne peut pas blâmer l’ensemble des Juifs pour les actions commises par Israël. Mais on ne peut pas non plus empêcher les gens de critiquer Israël sous prétexte que, ce faisant, ils salissent l’ensemble du peuple juif. C’est tout simplement faux.
Aucun pays n’est au-dessus de tout soupçon. Aucune nation n’est au-dessus de toute critique.