Ondes de choc

L’homme qui sera toujours là

Est-ce que quelqu’un, quelque part, a des photos de Jean Chrétien en train de baiser avec des animaux? Si oui, envoyez-les-moi tout de suite par FedEx.

C’est la seule façon dont on pourra se débarrasser de cet homme.

Sinon, oubliez ça. On va être pris avec lui jusqu’à la fin de nos jours.

Au Canada, ça prend un sacré gros scandale pour monter sur nos grands chevaux. Les histoires de patronage et de corruption ne nous choquent pas. Un tel politicien a été pris la main dans le sac? Bof, ils le font tous, non?

Un ministre fédéral a donné un contrat lucratif à l’un de ses amis? Pauvre gars, il n’est pas chanceux. La seule différence entre lui et tous les autres, c’est qu’il a été assez stupide pour se faire prendre.

Allez, monsieur le premier ministre, rétrogradez-le ou envoyez-le à l’autre bout du monde, que l’on passe à autre chose…

Ce n’est pas "Ad mare usque ad mare" qui devrait être la devise du Canada, mais "Whatever".

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Il faut dire que notre premier ministre a une belle carte dans son jeu, une carte capitale qui se montre toujours utile chaque fois que la température de l’eau augmente et que le pays se met à grincer des dents: la question québécoise.

Tant et aussi longtemps que Jean Chrétien réussira à faire croire aux Canadiens qu’il est la seule personne capable de stopper le mouvement souverainiste au Québec, nos amis de l’Ouest continueront de voter pour lui les yeux fermés. Histoire de fric ou pas.

Il n’y a qu’une fois où Chrétien a vraiment été dans l’eau chaude, et c’est au lendemain du dernier référendum québécois. Ce jour-là, plusieurs Canadiens ont demandé sa tête sur un plateau d’argent. Et ce n’est pas parce que notre premier ministre gère ses affaires n’importe comment, ou qu’il s’en met plein les poches, non. C’est parce que les forces du Oui ont failli l’emporter.

C’était, comme dit Jean Perron, la goutte qui l’avait accumulé au pied du mur.

L’ex-bras droit de Pierre Trudeau a donc toutes les raisons du monde de garder l’épouvantail québécois vivant. Tant que le bonhomme sept heures séparatiste fera trembler les fermiers de Calgary, son job sera assuré.

Autre bonne raison de souffler sur la braise du feu indépendantiste: le Bloc québécois bloque littéralement la voie à une véritable opposition. Tant et aussi longtemps que le Bloc siégera à Ottawa, Jean Chrétien pourra dormir sur ses trois oreilles. Une grosse partie du vote finira dans le panier de Noël de Gilles Duceppe, au lieu d’engraisser l’urne des conservateurs ou des alliancistes.

Je suis sûr qu’avant d’aller se coucher, Jean Chrétien allume un lampion afin de remercier Gilles Duceppe. Et pourquoi pas? Il lui doit une fière chandelle.

De un, la présence du Bloc divise le vote sur la scène fédérale. Et de deux, elle participe à calmer les forces souverainistes en donnant l’impression aux Québécois qu’ils ont encore leur mot à dire à Ottawa.

"Merci, Gilles, et puisses-tu rester encore quatre autres années…"

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Au cours des derniers jours, plusieurs proches collaborateurs de Jean Chrétien ont été accusés de patronage et d’abus de pouvoir. Savez-vous ce que notre valeureux premier ministre a dit pour les défendre?

Attachez votre tuque avec de la broche…

"Parfois, il m’arrive à moi aussi que des gens avec qui je joue au golf me paient une bière. Parfois, c’est moi qui paie. Que voulez-vous, il faut bien vivre." (21 mai)

"Oh, vous savez, moi, je ne me mêle pas de la vie privée de mes députés. Comme disait Pierre Trudeau, l’État n’a rien à faire dans la chambre à coucher des gens. Je ne vois pas pourquoi monsieur Boudria et monsieur Coderre iraient se confesser devant le public. On ne va même plus se confesser devant le curé." (30 mai)

Payer une bière, c’est comme accorder des contrats de plusieurs centaines de milliers de dollars à des amis. Et les accusations de pots-de-vin sont des histoires privées qui ne regardent pas l’État.

Et c’est cet homme qui dirige les destinées du pays.

Après ça, on se demande pourquoi la morale fout le camp…

Mais quelle morale? Où?