Afin de stimuler vos conversations de terrasse, nous vous présentons une nouvelle édition de notre Jeu de la morale.
Je vous rappelle les règles. Nous vous racontons une histoire vraie qui pose un problème moral, et nous vous demandons de prendre position. Vous nous répondez par courrier, fax (514-848-9004), courriel ([email protected]), ou en allant visiter la nouvelle section de notre site Web (www.voir.ca/morale). Il ne s’agit pas de répondre par oui ou par non, mais bien de développer votre pensée.
Avant de passer au vif du sujet, un petit apéritif.
Depuis quelques années, les médias (plus particulièrement les médias américains, mais le Québec ne perd rien pour attendre) s’intéressent de plus en plus à la vie personnelle des politiciens. On ne choisit plus nos dirigeants en fonction de leur programme, mais en fonction de leurs moeurs. C’est à celui qui sera le plus propre, le plus fidèle, le plus religieux…
Est-ce vraiment une bonne façon de choisir ses chefs? Pas sûr.
Par exemple, voici la "fiche morale" de trois politiciens qui ont déjà existé. Pour qui voteriez-vous s’il y avait une élection la semaine prochaine?
Candidat 1: Il fréquente des politiciens corrompus et consulte des astrologues. Il a eu deux maîtresses. Il fume comme une cheminée et boit une dizaine de martinis par jour.
Candidat 2: Il a été expulsé du Parlement deux fois, il dort jusqu’à midi, il a déjà fumé de l’opium au collège et il boit un litre de scotch chaque soir.
Candidat 3: C’est un héros de guerre décoré. Il est végétarien, ne fume pas, boit une bière de temps en temps et n’a jamais eu de relation extraconjugale.
Vous avez fait votre choix?
Le candidat 1 est Franklin D. Roosevelt. Le candidat 2, Winston Churchill. Et le candidat 3, Adolf Hitler.
Comme disent les avocats anglais: "I rest my case."
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Le cas de la semaine, maintenant.
Il s’agit de l’histoire de Joseph Pistone, un agent du FBI qui, en 1987, a publié son autobiographie, Donnie Brasco: My Undercover Life in the Mafia. (Si le titre vous dit quelque chose, c’est probablement parce que vous avez vu l’excellente adaptation cinématographique qu’en a tirée Mike Newell, avec Al Pacino et Johnny Depp.)
À la fin des années 70, Joseph Pistone s’est fait passer pour un gangster afin d’infiltrer le milieu du crime organisé. Pendant six ans, il a passé ses jours et ses nuits en compagnie de soldats de la puissante famille Gambino. Afin de gagner leur confiance, et grimper les échelons de l’organisation, il a participé à toutes sortes d’activités criminelles: escroqueries, fraudes, vols, recel, trafic de drogues… Histoire de prouver qu’il était un "gars régulier", il a même donné 40 000 $ à un chef de gang – un joli petit magot qui provenait directement de la "petite caisse" du FBI.
Soulignons que Pistone a commis toutes ces infractions avec l’accord de ses supérieurs.
Au cours de ses six années passées dans le monde interlope, Joseph Pistone a été témoin de plusieurs crimes. Il savait que ses "amis" de la mafia allaient assassiner tel ou tel gangster dans les jours suivants, qu’ils allaient cambrioler telle ou telle entreprise le lendemain soir, etc. Or, toujours sur l’ordre de ses supérieurs, il ne fit strictement rien pour stopper ces crimes. "L’important, dit-il, était le résultat final. Ma mission n’était pas de coffrer des voleurs d’autos ou des petits trafiquants de drogues, mais bien les gros patrons de l’organisation."
Grâce à l’enquête de Pistone, plusieurs membres influents de la mafia new-yorkaise ont été condamnés à de longues peines de prison.
Voici notre question: le jeu en vaut-il la chandelle? Est-ce moral de briser la loi pour condamner des gens qui brisent la loi? De donner de la drogue à des informateurs ou du fric à des bandits?
En d’autres mots: la fin justifie-t-elle les moyens lorsque vient le temps de combattre le crime? Les gardiens de la loi sont-ils au-dessus des lois? Faut-il à tout prix devenir immoral pour sauver la moralité?
Nous attendons vos réponses avec impatience. La semaine prochaine, nous en publierons quelques-unes, de même que les opinions de quelques experts.