Ondes de choc

Amen

Bon! Le pape est parti, on va enfin cesser de nous casser les oreilles avec le renouveau de l’Église catholique.

On peut reprocher beaucoup de choses aux cathos, mais il faut leur reconnaître une qualité: ils ont un moral d’enfer. Leur institution croule sous les scandales, les accusations de pédophilie se multiplient comme des petits pains, un film à succès dénonce l’antisémitisme virulent de Pie XII, les églises se vident à vue d’oeil et le sida est en train de décimer un continent tout entier pendant que le Saint Père prêche contre le port du condom, et que font les amis de Jésus? Ils se paient un gros party à Toronto, sous l’oeil bienveillant des caméras.

On se serait cru au dernier concert de l’orchestre du Titanic. "Et maintenant, nous allons vous interpréter une superbe valse de – bloup, bloup, bloup…"

Je regardais ces jeunes pèlerins parler de leur guide spirituel à la télé, et je me disais: "Cela me rappelle quelque chose. Mais quoi?" Et puis soudain, ça m’est revenu. Les Raéliens.

Ces jeunes cathos me font penser aux adeptes que j’ai rencontrés lorsque j’ai interviewé Raël pour Les Francs-tireurs, il y a quelques mois. Même sourire béat, même absence de critique, même admiration gaga pour leur gourou. "Il est bon, le pape, il est formidable, il n’a qu’à vous regarder et tout votre être tremble…"

Et ses positions contre les gais?

"Oh, vous savez, le Saint Père aime tout le monde, c’est la bonté même…"

À CBF, Anne-Marie Dussault a interviewé un groupe de jeunes cathos à son émission du matin. "Les jeunes sont beaucoup plus ouverts que leurs aînés face à l’homosexualité et au rôle des femmes dans la société. Allez-vous discuter de ces sujets lors de votre rencontre?" leur a-t-elle demandé. Réponse d’une groupie de JP2: "Nous irons au-delà de ça."

C’est quoi, aller au-delà de ça? Parler du sexe des anges? Quels enjeux sont actuellement plus importants pour l’Église? La longueur des soutanes, la couleur des cierges?

Essayez d’imaginer la réaction des gens si Raël et ses disciples organisaient un tel pow-wow dans le Vieux-Montréal. On crierait au meurtre. Mais quand ce sont les cathos, soudainement, notre sens critique disparaît comme par magie.

Pourtant, qu’est-ce qu’une religion, sinon une secte qui a réussi?

Au début, Jésus, il était comme Guy Laliberté dans les années 80: il jonglait dans les rues devant trois pelés et deux tondus. Puis, avec le temps, la manne a fini par tomber, et maintenant, il se promène en jet privé entre Vegas et les îles Canaries. Pendant que ses millions dorment à l’abri du fisc.

Et puis, avez-vous vu le chemin de la Croix? On aurait dit une comédie musicale française mise en scène par les finissants de l’option théâtre de la polyvalente Arvida, à Jonquière.

Personne ne le dit, mais Dieu que la religion catholique est morbide. Toute cette fascination pour le sang, la souffrance, l’humiliation. La croix, le vinaigre, l’Apocalypse, la mer Rouge qui engloutit les Romains, le voile du temple qui se déchire… Moi, ça me fout le cafard. Pendant une semaine, on parle d’amour et de partage, et lors du gros party final, on se réunit en gang pour assister à la reconstitution d’une exécution. Chouette.

Comme disait l’autre: si Jésus avait été électrocuté, se promènerait-on avec des mini-chaises électriques dans le cou?

La mythologie catholique a inspiré plusieurs cinéastes au cours des ans. Cette union entre l’art et la religion nous a donné le meilleur comme le pire.

Rayon chefs-d’oeuvre: L’Évangile selon saint Matthieu, de Pasolini. Une oeuvre austère et admirable, à l’image du plus marxiste des évangélistes. Des acteurs édentés au visage ravagé par la pauvreté, la campagne italienne comme décor, des negro-spirituals comme thèmes musicaux… La religion à l’écoute des petits et des sans-grade.

Et côté nanars: Les Dix Commandements, de Cecil B. De Mille. Charlton Heston coiffé par Vidal Sassoon, des effets spéciaux dignes du petit frère de David Copperfield et des costumes provenant de la garde-robe personnelle de Liberace. La religion comme spectacle, étalage de richesse et poudre aux yeux.

Les JMJ auraient pu s’inspirer de la première oeuvre. Malheureusement, elles ont évoqué la seconde. Un gros show clinquant, destiné à nous faire oublier les vraies questions.

Une institution à l’image de son chef: malade, paralysée, tremblotante.

La question n’est pas de savoir si elle va mourir. Mais quand.