Ondes de choc

Tiguidou

Lecteurs, lectrices, j’ai une nouvelle importante à vous annoncer.

Après mûre réflexion, j’ai décidé de me lancer en politique, et de fonder mon propre parti.

Cette nouvelle formation s’appellera le Parti Tiguidou.

Pourquoi Tiguidou? Parce que ce nom représente à merveille notre pays.

Ici, tout est tiguidou.

Tu es le chef d’antenne de Radio-Canada et tu veux augmenter ton fonds de retraite en bossant pour un producteur privé dont la principale associée est sous enquête pour fraude? Pas de problème! Le chef de l’information l’a dit, il n’y voit pas l’ombre d’un soupçon de conflit d’intérêts.

Vas-y, mon ami, c’est tiguidou!

Tu veux déménager ta compagnie au Québec mais tu n’as pas une maudite cenne dans tes poches?

Pas de panique: on va dérouler le tapis rouge pour que tu installes ton usine dans notre cour. Prêt sans intérêt, subventions à la tonne, changement de zonage, passe-droit environnemental – la totale. On est tiguidou!

Tu diriges une firme de relations publiques et tu veux augmenter ton chiffre d’affaires sans trop te forcer? Simple, tu n’as qu’à facturer trois fois le même rapport! Sois tiguidou!

Tu possèdes plusieurs journaux, un réseau de télé, un portail Internet et un câblodistributeur, et tu veux ajouter quelques postes de radio à ton empire médiatique? Prends-toi une assiette et sers-toi, mon homme, c’est tiguidou!

Pourquoi trébucher dans les fleurs du tapis quand on peut être tiguidou?

Même le premier ministre du Canada est tiguidou. Lorsqu’il a vu que le comité public qui scrutait à la loupe l’affaire des contrats de commandites commençait à sortir le méchant, Jean Chrétien a tout simplement décidé de tirer la plogue et de mettre un terme à l’enquête. "Merci, bonsoir, retournez tous chez vous, votre mission est accomplie."

C’est pas tiguidou, ça?

Et le plus extraordinaire est que tout le monde s’en fout. Tu peux fourrer le système tant que tu veux, au Canada, personne ne va s’énerver le poil des jambes.

Pourquoi?

Parce que nous sommes tous tiguidou!

Je suis tiguidou, il est tiguidou, nous sommes tous une méchante bande de guidounes.

Il y a quelques jours, j’ai croisé une ex-vedette de Radio-Canada, et je lui ai demandé ce qu’il pensait de l’affaire Bureau.

"Je l’appuie à 100 %, m’a-t-il dit. Moi, les puristes qui nous emmerdent avec leurs principes, je leur pisse dessus." Ce sont les mots exacts qu’il a employés: "Je leur pisse dessus."

Parlez-moi d’un tiguidou!

Si jamais le Parti Tiguidou est élu aux prochaines élections, je vais demander à cet ex-journaliste d’être mon ministre des Finances.

Car nous voulons le pouvoir, monsieur. Et vite. Demain, ce soir.

Vous voulez connaître notre programme? Mais nous n’en avons pas, voyons! Car qui dit programme, dit principes. Or, à quoi servent les principes? À mettre les bâtons dans les roues, à freiner l’initiative et à punir les débrouillards.

Pourquoi perdre son temps avec une série de principes si, de toute façon, on sait fort bien qu’on ne les appliquera jamais? Si c’est toujours "deux poids, deux mesures" et "au plus fort, la poche"?

Au Parti Tiguidou, on ne se fendra pas les cheveux en quatre et on ne fera pas semblant d’être plus catholique que le pape. Avec nous, ça va être clair et net. What you see is what you get.

T’as une idée pour faire de l’argent? Vas-y, c’est tiguidou!

Et si jamais un jour, nous formons un gouvernement majoritaire, alors là, nous serons plus que tiguidou.

Nous serons tiguidou laï laï.