Ondes de choc

Les otages de l’or noir

La semaine dernière, l’hebdo français Paris Match publiait un reportage sur Fahd Ben Abdel Aziz, le roi d’Arabie Saoudite. C’était du Grand-Guignol.

Le bonhomme a tellement de fric que ça lui sort par les oreilles. Il s’est fait construire un palace qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la Maison-Blanche. Un jardin de 20 hectares comprenant deux mosquées, deux héliports, des villas pouvant loger 3000 personnes, trois complexes sportifs, un hôpital hyper performant, un parking pouvant contenir 500 autos et un centre de télécommunications ultramoderne, susceptible de l’informer en cas d’une attaque américaine contre l’Irak.

Récemment, Sa Bedonnesse a décidé d’agrandir sa bicoque (bicoque, soit dit en passant, qu’il ne visite que quatre fois par année). Les travaux ont duré deux ans, et 600 ouvriers travaillaient à temps plein sur le chantier. Savez-vous combien ça prend d’employés pour s’occuper des tâches quotidiennes dans cet immense palais (arroser les plantes, faire le ménage, préparer la bouffe)? Plus de 1500.

Il y a quelques mois, le roi avait une petite fringale, vers minuit. Il a donc téléphoné à son restaurant préféré afin de commander un repas pour huit personnes. Il a demandé que les chefs préparent 105 plats différents: pigeons, pâtes, filets de boeuf, poissons… Lorsque les mets sont finalement arrivés, le prince est resté à table pendant sept minutes, picorant une cuisse, grignotant une nouille. Puis il s’est levé et il est parti se coucher, suivi illico par ses sept invités.

Juste avec le petit change qui traîne dans le fond de ses poches, le roi Fahd pourrait mettre fin à la pauvreté qui sévit dans certains pays arabes. Mais il ne le fait pas. Il s’en fout. Royalement.

Il préfère utiliser cet argent pour financer des groupes terroristes en lutte contre les méchants capitalistes américains qui vivent dans la luxure et la décadence.

Ben tiens…

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D’où provient cette colossale fortune? De l’or noir.

L’Arabie Saoudite est le plus grand exportateur de pétrole au monde. Chaque année, les États-Unis envoient 20 milliards de dollars aux potes du roi Fahd, pour acheter ce précieux liquide.

Saddam Hussein, ça vous dit quelque chose? Le diable de l’Arabie, le Hitler du Moyen-Orient? Eh bien, chaque année, les Américains achètent pour 10 milliards de dollars de pétrole irakien.

Cet argent, Saddam s’en sert pour financer son programme d’armements, gazer les Kurdes et fabriquer des pétards à la farine…

C’est ce qu’on appelle scier la branche sur laquelle on est assis.

Les Américains sont complètement schizos. D’un côté, ils condamnent les régimes qui financent les réseaux terroristes. De l’autre, ils les enrichissent en achetant leur pétrole.

Je suis contre le terrorisme… en autant que je puisse continuer à me rendre au dépanneur du coin en 4 x 4.

Le mouvement écolo n’a jamais eu la cote aux États-Unis. Les politiciens américains (autant démocrates que conservateurs) ont toujours perçu les écolos comme des clowns sympathiques tout juste bons à fabriquer des savons qui sentent la lavande. Mais ils devront bientôt changer leur fusil d’épaule et réviser leurs positions. Car s’ils veulent cesser de nourrir le chien qui leur mord les mollets, ils n’auront plus le choix: ils devront lâcher l’énergie fossile, et développer des solutions de rechange.

L’indépendance américaine sera énergétique ou ne sera pas.

Il est quand même inconcevable qu’en l’an 2002, alors que l’on parle d’explorer la planète Mars, le monde soit encore dépendant du pétrole! Si on a pu développer la bombe à neutrons, on est sûrement capable de créer une auto électrique qui a de l’allure, non?

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Dans les années 40, le gouvernement américain avait besoin d’une arme puissante capable de mettre ses ennemis à genoux. Il a donc réuni les plus grands cerveaux du pays à Los Alamos et leur a donné un chèque en blanc afin qu’ils puissent solutionner ce problème – ce qu’ils ont fait. On a appelé cette opération le Projet Manhattan.

Eh bien, le temps est venu pour les Américains de financer un Projet Manhattan énergétique. Qu’on réunisse les plus grands génies du continent, et qu’on leur demande de trouver une solution de rechange au pétrole.

Ce n’est pas seulement la sécurité des États-Unis qui est en cause, mais la survie même de notre planète.