Il est de bon ton, dans le milieu des médias, de commencer l’année en rendant hommage à une personnalité qui a marqué les 12 mois précédents. L’Actualité, par exemple, a nommé Mario Dumont personnalité de l’année 2002. Les membres de la Presse Canadienne ont choisi Jean Chrétien. Et le journal Les Affaires a opté pour Jean Coutu.
Ne voulant pas être en reste, je désire, moi aussi, participer à cette tradition en saluant une femme qui, plus que tout autre citoyen canadien, a réussi à capter l’essence de l’année 2002: Micheline Charest.
À mon humble avis, la cofondatrice de CINAR, le géant de l’animation au Canada, est LA personnalité de l’année 2002. Non seulement a-t-elle réussi à faire parler d’elle en voulant museler un réseau de télé et en s’associant à un bâtisseur d’empire (Gilbert Rozon), mais son mépris des lois et sa cupidité légendaire ont inspiré plusieurs amis du gouvernement Chrétien. On pourrait dire que Micheline Charest est au manque d’éthique ce que Paul Martin est à l’évasion fiscale. Par sa résistance à toute épreuve et sa capacité à survivre aux scandales, Micheline Charest a prouvé qu’elle méritait amplement le titre de personnalité canadienne de l’année 2002.
En plus de son talent d’administratrice, madame Charest possède plusieurs qualités qui méritent d’être soulignées. Parmi celles-ci, mentionnons:
Son sens aigu de la famille
Il y a trois ans, une enquête menée par la GRC nous apprenait que CINAR faisait signer des contrats de prête-noms à de faux auteurs canadiens afin de bénéficier de généreuses subventions. Parmi les faux noms utilisés par l’entreprise, il y avait celui d’Érica Alexandre. Or, quels sont les noms des enfants de Micheline Charest? Érica et Alexandre! N’est-ce pas un merveilleux cadeau à faire à ses enfants que de les associer à une importante fraude? Voici un héritage que les bambins de madame Charest pourront chérir jusqu’à la fin de leurs jours…
Son amour des opprimés
On dit souvent que les millionnaires du Nord se foutent du Sud comme de leur première chemise. C’est faux. Certains n’hésitent pas à mettre une partie de leur fortune au service des pauvres du Tiers-Monde. C’est ainsi que Micheline Charest et son conjoint Ronald Weinberg ont investi 122 millions de dollars US dans une banque des Bahamas, sans avertir le conseil d’administration de CINAR. Quel beau modèle d’altruisme! Madame Charest et monsieur Weinberg avaient tellement peur que leurs partenaires bloquent cette transaction charitable qu’ils ne les ont même pas tenus au courant! Ils ont fait cet important don en secret, loin des caméras. Modestes, va…
Son sens des responsabilités
Lorsque Micheline Charest s’est fait pincer les culottes baissées dans l’affaire des prête-noms, elle a tout de suite réglé avec le fisc, lui redonnant les millions de dollars qu’elle lui avait dérobés. Résultat: aucune accusation n’a été portée contre elle. C’est pas beau, ça? Ce ne sont pas tous les voleurs qui se conduisent de façon aussi responsable!
Alors, messieurs les bandits, tirez une bonne leçon de cette histoire: la prochaine fois que vous volerez une banque et que vous vous ferez pogner par la police, haussez les épaules et remettez votre argent. Les flics vous relâcheront aussitôt, après vous avoir chaleureusement serré la main.
Son sens de l’amitié
Fidèle en amitié comme en affaires, madame Charest a toujours entretenu de solides liens avec Jean Chrétien, n’hésitant pas à contribuer généreusement à sa caisse électorale lorsque le premier ministre passait le chapeau. Tout ça, pour la simple beauté du geste.
Vous me direz que Micheline Charest a commis ces actes en 1999 et en 2000, et que cela ne la qualifie pas pour être nommée personnalité de l’année 2002. C’est oublier toute l’influence que la cofondatrice de CINAR a eue auprès de ses pairs. Comme les valeureux cow-boys qui ont conquis l’Ouest américain, madame Charest a ouvert la voie et montré à tous les opportunistes du pays qu’il valait mieux être riche et crosseur que pauvre et honnête.
Dire que pendant ce temps, le magazine Time décerne son titre de personnalité de l’année à trois femmes qui ont dénoncé des fraudes… Pourquoi récompenser des critiques amers qui surfent sur les succès des autres, alors qu’on peut couronner les créateurs eux-mêmes?