Chaque année, les publicitaires du Québec se réunissent afin de couronner les meilleures campagnes de pub. Je ne sais pas ce qui va se passer lors de leur prochain gala, mais j’espère que nos bonzes du marketing décerneront un prix spécial à Raël. Il le mérite amplement. En moins de temps qu’il n’en faut pour crier "Arnaque!", l’ami des extra-terrestres est devenu une célébrité mondiale, au même titre que Kenny, l’enfant-tronc.
Un jour, le porte-parole des Éloïm faisait des pieds et des mains pour décrocher une entrevue à Canal Vox. Et le lendemain, il ouvrait le bulletin de nouvelles de CNN. C’est ce qu’on appelle un retournement de situation.
Comment Raël a-t-il réussi ce coup fumant? En disant qu’il avait cloné un enfant. Même pas besoin d’avancer la moindre preuve. Vous n’avez qu’à agiter le spectre du clonage, et les médias font le reste. Maximum d’impact pour minimum d’effort.
Cela dit, même si Raël est parvenu à mettre tout le monde dans sa petite poche en faisant exploser trois feux de Bengale et deux pétards à la farine, la partie n’est quand même pas gagnée. Son image a encore besoin d’être peaufinée s’il veut devenir le prochain Jésus.
Afin d’aider Raël à supplanter les scientologues en tête du palmarès des illuminés les plus riches au monde, voici de judicieux conseils, tirés du livre Comment faire sa publicité soi-même, de Claude Cossette et Nicolas Massey (Éditions Transcontinental).
Attention au sexe!
Dans leur guide, Cossette et Massey affirment que la sexualité peut être une arme publicitaire dangereuse. "Il est sûr que le sexe est une motivation puissante, écrivent-ils. Mais il arrive que certaines marques misent sur le sexe à outrance. La recherche a montré que les images érotiques brouillent la communication et nuisent à la persuasion."
C’est ce qui arrive avec le mouvement raëlien. Raël mise beaucoup sur le sexe pour augmenter sa part de marché. Il ne sort jamais sans deux ou trois poupounes accrochées à ses bras. Elles sont ses panneaux-réclame, les bonbons qu’il expose généreusement dans la vitrine de sa boutique pour attirer les clients. Mais notre gourou libidineux a tendance à mettre trop de confiture sur son pain. Ses propos ambigus sur l’éveil sexuel des enfants, par exemple, sont contre-productifs. Pour le sexe comme pour l’alcool, la modération a bien meilleur goût!
L’image
"L’image de marque, c’est l’idée que l’on se fait d’un produit, la confiance qu’on lui accorde", écrivent Cossette et Massey. Ce n’est pas suffisant d’avoir un bon produit: il faut le rendre séduisant, soigner son image, son look.
La philosophie raëlienne tente de séduire les sceptiques en se drapant dans les oripeaux du discours scientifique. "Contrairement aux catholiques, nous ne croyons pas aux miracles, disent les adeptes de Raël. Si la mer Rouge s’est séparée en deux, c’est parce que Moïse était un Éloïm qui possédait un gadget émettant des rayons à ultrasons…"
Le discours crypto-scientifique de Raël pourrait séduire quelques nerds aliénés nourris aux Doritos. Mais il faudrait que le gourou revoie complètement son image. Comment peut-on croire aux assises scientifiques du mouvement raëlien quand son fondateur ressemble à une mascotte d’Euro Disney? Raël a un look tellement ridicule qu’il ferait passer Capitaine Cosmos pour un Prix Nobel d’astrophysique. Tu veux qu’on te prenne pour un scientifique? Cesse de t’habiller chez Ponton, et achète-toi un col roulé et un veston en tweed.
De bonnes relations
Pour Cossette et Massey, les relations publiques sont essentielles au succès d’une entreprise. "Elles permettent d’entretenir de meilleures relations avec le public. La communication d’un service de relations publiques est habituellement subtile. Ce service travaille à entretenir de bonnes relations avec les journalistes."
Or, comment Raël communique-t-il avec les journalistes? Par le biais de son avocat. Cette stratégie est néfaste pour son image. Il devrait plutôt inviter les chroniqueurs à participer à des stages d’éveil corporel à Valcourt, ou à effectuer un petit tour de soucoupe volante au-dessus de Montréal.
Le Publicité Club de Montréal organise souvent des soupers-rencontres. Je propose que la prochaine réunion soit présidée par Raël. Après tout, il s’est imposé comme un génie du marketing.
Sa récente campagne sur le clonage a fait pour les extra-terrestres ce qu’Adamo a accompli pour le lait.