Lundi après-midi, jour d’élections.
Je fais la queue dans le gymnase d’une école, attendant mon tour pour aller voter. Soudain, mon téléphone cellulaire sonne. Un scrutateur me jette un regard agacé. "Il faut fermer les cellulaires", me lance-t-il. J’obéis.
Une fois mon bulletin glissé dans la boîte, j’écoute mes messages pour savoir qui m’a appelé. Voici ce que j’entends:
"Bonjour, monsieur Martineau, ici Pierre Dandurand du Parti libéral du Québec. Nous offrons un service de voiturage pour ceux qui veulent aller voter. On va vous chercher en mini-van et on vous offre aussi un repas. Vous savez, c’est très important d’aller voter. On vous connaît, monsieur Martineau, on sait que vous êtes un libéral de bonne souche et un fédéraliste convaincu. Si vous avez besoin d’aide, n’hésitez pas à me téléphoner."
Un libéral de bonne souche, moi? Désolé, monsieur Dandurand, mais je n’ai jamais voté PLQ de ma vie. Quant à mes "convictions" fédéralistes, vous y allez un peu trop fort. Effectivement, le projet souverainiste ne m’emballe pas, mais de là à crier au meurtre et à appeler la police dès que je croise un séparatiste, il y a un monde. Contrairement à monsieur Charest, je ne crois pas que le fait de militer pour l’indépendance du Québec soit un crime, un acte de haute trahison, ou une perversion au même titre que la pédophilie ou la nécrophilie. Je trouve juste l’idée moins pertinente qu’avant, c’est tout. Mais je respecte ceux qui y croient et la défendent.
Cela dit, je savais que les partis offraient des services de voiturage pour "faire sortir le vote" (une méthode qui, comme le ratissage des foyers pour vieillards, m’a toujours semblée digne d’une république de bananes), mais des repas? Je ne sais pas si c’est légal, mais à vue de nez, ça ne me semble pas très kascher. Ça donne l’impression que le PLQ achète les votes.
J’ignore si c’est grâce à ces méthodes peu orthodoxes que Jean Charest a gagné ses élections lundi, mais si oui, ça a dû lui coûter cher en Saint-Hubert BBQ.
Et en Petro-Points.
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Parlant d’indépendance, voulez-vous me dire pourquoi Bernard Landry a sorti le fantôme séparatiste de la garde-robe à quelques jours du vote, alors que tous les sondages affirment que la majorité des gens s’en foutent? Il aurait voulu perdre qu’il n’aurait pas agi autrement.
Ce n’est sûrement pas pour faire plaisir aux purs et durs du parti. Leur vote était gagné d’avance.
Seule explication possible: le premier ministre savait qu’il allait boire la tasse, et il s’est dit: "Tant qu’à couler, aussi bien couler debout, une trompette à la bouche. Au moins, comme ça, je gagnerai l’estime des militants du parti, à défaut de gagner mes élections."
Ce n’est pas moi qui le dis. C’est un conseiller de Daniel Turp, que j’ai croisé sur l’avenue du Mont-Royal, mardi matin.
(En passant, si vous voyez une affiche électorale de Daniel Turp, décrochez-la et apportez-la chez vous. La prochaine fois que vos enfants vous tomberont sur les nerfs, vous pourrez leur dire: "Calmez-vous, sinon je colle la pancarte de Daniel Turp sur le mur de votre chambre." Ils se la fermeront sur-le-champ, c’est garanti. Je n’ai jamais rien vu d’aussi épeurant que la photo du député de Mercier. C’est bien simple, à côté, Freddy Krueger ressemble à Brad Pitt.)
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En terminant, une petite remarque concernant la politique internationale.
Après avoir fait la sourde oreille aux appels à l’aide des États-Unis, et dit à George W. Bush de prendre sa guerre et de se la foutre au cul, Jacques Chirac salue haut et fort la libération de l’Irak et fait des salamalecs pour participer à la reconstruction du pays et récolter quelques contrats lucratifs.
Quel pitre pathétique!
Dieu que la France peut être hypocrite, parfois. Ça donne des leçons de diplomatie, ça se dit la grande défenderesse des droits de l’Homme, et qu’est-ce que ça fait, en réalité?
Ça accueille Jean-Claude Duvalier les bras ouverts, ça appuie les dictateurs africains, et ça demande une dérogation spéciale auprès des instances internationales pour recevoir Robert Mugabe, l’un des pires monstres de la planète, au sommet franco-africain.
Si j’étais américain, je boycotterais les frites moi aussi…