George W. Bush devrait-il être traîné devant les tribunaux si on ne trouve pas d’armes de destruction massive en Irak?
C’est la question que pose John W. Dean, ex-conseiller de Richard Nixon, dans un texte publié sur le site Internet FindLaw.com (et repris dans le webzine Salon).
Selon ce juriste réputé, la Constitution américaine interdit au président de déclarer la guerre pour de fausses raisons. Si jamais on découvrait que George W. Bush et ses conseillers ont délibérément menti à la population dans le dossier de la guerre contre l’Irak, les tribunaux américains pourraient poursuivre le président et l’obliger à quitter son poste.
"Ce serait l’un des plus gros scandales politiques de l’histoire des États-Unis, de dire Dean. Encore pire que le Watergate."
La question n’est pas de savoir si George W. Bush a dit des faussetés. Il en a dit, et à plusieurs reprises. La question est de savoir s’il a dit ces faussetés en toute connaissance de cause.
Le président savait-il pertinemment qu’il mentait lorsqu’il a affirmé que le régime irakien était en train de produire 500 tonnes de gaz sarin et de gaz moutarde, lors du discours qu’il a prononcé devant la nation le 28 janvier dernier, ou avait-il été mal renseigné?
Comme le disait Hamlet: "That is the question."
De toute façon, lorsqu’on y pense, George W. est sur la sellette, quelle que soit la réponse.
S’il a menti, il a trahi la Constitution de son pays.
Et s’il a été mal renseigné, il a prouvé par A + B que sa stratégie ne tenait pas debout.
Car que dit le président? Que les États-Unis ont le droit d’effectuer des frappes préventives (c’est-à-dire: frapper avant d’être frappés) afin de se protéger de menaces éventuelles. Or, pour que cette stratégie puisse fonctionner, les États-Unis doivent avoir un service de renseignements au-dessus de tout soupçon. Ils ne peuvent pas attaquer un pays à la moindre rumeur, au moindre on-dit! Ils doivent être capables de prouver sans l’ombre d’un doute que le pays X constitue bel et bien une menace pour la sécurité des Américains.
Or, elles sont où, les fameuses armes de destruction massive irakiennes?
Dans Minority Report, le drame de science-fiction réalisé par Steven Spielberg, Tom Cruise joue le rôle d’un détective qui parvient à prédire l’avenir grâce à un système révolutionnaire. Il peut neutraliser un criminel avant même que celui-ci ne commette son forfait.
Je ne sais pas si les conseillers de George W. Bush ont lu la nouvelle de Philip K. Dick qui a inspiré ce film, mais ça ressemble diablement à leur stratégie militaire: "Frappez avant, excusez-vous ensuite…"
Le hic, c’est que dans le film de Spielberg, comme dans la nouvelle de Philip K. Dick, le système déraille, et le flic se rend compte qu’il n’y a rien de plus dangereux qu’un gouvernement qui punit les crimes avant qu’ils ne soient commis. Et qui base tout son système de justice sur la présomption de culpabilité (au lieu de la présomption d’innocence).
George W. sera-t-il effectivement traduit devant les tribunaux si les soldats américains ne trouvent pas d’armes de destruction massive en Irak? Permettez-moi d’en douter. Mais une chose est sûre: l’homme (et son service de renseignements) devra répondre de ses actions devant la population.
À moins qu’il ne se mette à fabriquer des preuves pour se justifier.
Après tout, la méthode n’est pas nouvelle. Elle a été largement utilisée par certains policiers. On vous glisse de la drogue dans les poches, puis on vous arrête pour possession et trafic…
Tiens, ça me fait penser à un autre film: Touch of Evil (La Soif du mal), d’Orson Welles. Welles incarne un flic corrompu qui fabrique de fausses preuves afin de coffrer un Mexicain qu’il soupçonne de banditisme.
Et à la fin du film, on découvre que le flic avait raison… et que le gars était effectivement un bandit!
Ce qui pose une belle question morale: ce genre de tactique est-elle justifiable dans un État de droit? A-t-on le droit de fabriquer des preuves pour coffrer un individu que l’on sait coupable?
Cela dit, si les États-Unis ont le droit d’effectuer des frappes préventives contre des ennemis potentiels, pourquoi l’Inde ne pourrait-elle pas frapper le Pakistan… ou vice-versa?