Ondes de choc

Le géant vert

On peut bien penser ce que l’on veut du cinéma américain, une chose est sûre: peu de cinémas nationaux collent d’aussi près à leur société. Même les superproductions hollywoodiennes les plus bêtement commerciales ont quelque chose à dire sur la société américaine, quand on les regarde sous le bon angle.

Prenez The Hulk, par exemple.

À première vue, le film d’Ang Lee n’est qu’une adaptation criarde et crypto-psychanalytique d’une bande dessinée culte. Mais lorsqu’on gratte un peu, on découvre une métaphore sur la politique étrangère américaine.

Ne riez pas, je suis sérieux…

Il y a quelques semaines, Thomas L. Friedman, le célèbre chroniqueur du New York Times, a écrit un texte passionnant sur la perception que les étrangers avaient des États-Unis. "Pourquoi le pays de George W. Bush est-il autant détesté à travers le monde?", se demandait-il. À la fin de sa chronique, Friedman invitait ses lecteurs à lui faire part de leurs réflexions sur le sujet.

En quelques jours, le commentateur du New York Times a reçu plus de huit mille courriels, provenant des quatre coins du monde. Toutes sortes de gens lui ont écrit: des étudiants musulmans, des grands-mères de l’Europe de l’Est, des touristes, des intellectuels…

L’un des messages les plus passionnants provenait d’un guitariste.

"Je pèse 280 livres, disait le bonhomme. Lorsque j’entre dans un bar, tout le monde me remarque, car j’occupe beaucoup d’espace. Je pourrais brasser de l’air, me moquer des hommes plus petits que moi et bousculer les clients, mais je ne le fais pas. Ma mère m’a appris à respecter les gens autour de moi. On n’a pas besoin d’être agressif pour se faire respecter, au contraire. Il suffit de gagner la confiance des autres. Le respect attire le respect. C’est le principal problème avec les États-Unis. Nous ne nous contentons pas d’être imposants. Nous donnons des coups de coude et nous conduisons comme des bullys…"

Voici à quoi je pensais lorsque je regardais le film d’Ang Lee.

The Hulk est une métaphore à peine voilée sur la colère. Le héros est un homme hyper pacifique. Mais lorsqu’il se fâche et que le désir de vengeance le tenaille, il perd toute forme de contrôle et se transforme en monstre. Il brise tout ce qui se trouve sur son passage, terrorise les gens et sème le chaos et la confusion autour de lui. Au lieu de solutionner les conflits, il jette de l’huile sur le feu et les envenime. Jusqu’à ce qu’il devienne un véritable danger pour lui-même.

Si ce n’est pas une métaphore sur les États-Unis au lendemain du 11 septembre, je mange mes souliers…

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Parlant de cinéma, j’ai vu le film de l’été et il est québécois.

La Grande Séduction, de Jean-François Pouliot, est un petit bijou, une comédie fine, drôle et extrêmement émouvante sur la vie dans les petits bleds perdus.

Rarement a-t-on dépeint avec autant de chaleur et autant de tendresse la vie en région. Les petites régions côtières où il n’y a plus rien, où les jeunes ont sacré le camp et où la seule activité collective est de faire la queue pour aller chercher son chèque de B.S.

"L’infaillible façon de tuer un homme c’est d’le payer pour être chômeur", chantait Félix Leclerc. C’est ce que montre cette merveilleuse comédie écrite par Ken Scott.

Il se passe quelque chose d’extraordinaire avec le cinéma québécois, ces jours-ci. Nous allons voir nos films. Des Invasions Barbares à Mambo Italiano en passant par Un homme et son péché et Québec-Montréal, le cinéma québécois se porte bien. Même ceux qui préfèrent un cinéma un peu plus en marge en ont pour leur argent avec Le Nèg‘, 20 h 17 rue Darling, La Turbulence des fluides et Le Marais

Comme les personnages de La Grande séduction, le cinéma québécois a longtemps léché ses plaies et tiré le diable par la queue. Mais il commence heureusement à sortir du bois…

Preuve qu’on n’a pas besoin de milliards de dollars et de gros effets spéciaux pour tirer son épingle du jeu et lutter contre les grands. Juste du charme à revendre et beaucoup, beaucoup d’imagination.

Comme les habitants de Sainte-Marie-La-Mauderne.