Ondes de choc

L’homme qui battait les femmes

"On peut caresser des idéaux sans s’éloigner d’en bas."

Bertrand Cantat (Noir Désir), À l’envers, à l’endroit

Bertrand Cantat était ce qu’on appelle un chanteur engagé. Toujours prêt à monter aux barricades pour défendre les grandes causes: la justice avec un grand J, la solidarité avec un grand S, la liberté avec un grand L. Lorsqu’il était temps de parler, Cantat ne gardait jamais la langue dans sa poche. Toujours prêt à dénoncer les inégalités qui régnaient à l’autre bout du monde, les injustices commises aux quatre coins de la planète, le sang versé, les vies fauchées.

Dans L’Europe, une chanson que l’on retrouve sur l’album Des visages, des figures, Cantat pourfend le matérialisme. Dans Un jour en France, il critique le Front National. Dans L’Homme pressé, il condamne les rois du capitalisme.

Et dans sa chambre à coucher, Cantat battait ses blondes.

D’un côté, il donnait des leçons sur la façon de diriger le monde. De l’autre, il n’arrivait même pas à respecter les femmes qu’il aimait.

Militant dans sa vie publique, tyran dans sa vie privée.

Une fois que les projecteurs s’éteignaient et que la foule se dispersait, Cantat-le-frère-d’armes devenait Cantat-le-salaud. Facho de salon, dictateur de cuisine, viens que je te foute une baffe si tu ne fais pas comme je veux, si tu ne te soumets pas à ma loi, si tu oses défier ma volonté.

Impatient de délier les chaînes qui asservissent le monde. Incapable de dénouer les liens qui assombrissent son coeur et terrorisent ses proches.

Facile d’aimer l’humanité lorsqu’elle est loin et abstraite. Mais la personne qui est à nos côtés, comment la traite-t-on?

Comment un homme peut-il se dire défenseur de la liberté et de la justice s’il n’est même pas capable de respecter les gens qu’il côtoie sur une base régulière?

Cantat voulait changer le monde, mais il ne pouvait même pas nettoyer son propre jardin. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Le poing levé sur la scène, le poing sur la gueule dans la chambre. Qui est le vrai Bertrand Cantat? Le chanteur engagé ou le batteur de femmes?

C’est comme Karl Marx. Dans ses écrits, l’auteur du Capital dénonçait l’exploitation sous toutes ses formes. Mais dans sa vie privée, dixit Paul Johnson dans Les Grands Mensonges des intellectuels, l’ami des ouvriers traitait sa femme de chambre comme de la merde et refusait même de la payer.

Un détail? Je ne le crois pas. Après tout, il est facile de parler. Comme disent les anglos: "Talk is cheap." C’est à la lumière de ses actes que l’on devrait juger un homme, pas à la lumière de ses écrits.

Il avait beau avoir l’humanité à coeur, Cantat, il n’en était pas moins un tortionnaire. Un enfant de salaud qui avait recours à la force pour régler ses problèmes.

Comme tous les despotes qu’il s’évertuait à dénoncer dans les disques qui l’ont rendu riche et célèbre.

***

Parlant d’hypocrisie et de contradiction…

L’Église catholique est à un carrefour. Deux voies s’ouvrent devant elle.

L’une prône l’inclusion, l’autre prône l’exclusion. L’avenir de la religion catholique au grand complet dépendra du chemin qu’elle décidera d’emprunter.

Sera-t-elle l’Église du pardon ou l’Église du jugement? Tendra-t-elle la joue, ou maniera-t-elle le fouet? Promettra-t-elle les 10 plaies d’Égypte, ou ouvrira-t-elle toutes grandes les portes du Paradis?

Dire que l’Église n’appuie pas les mariages gais est une chose. Affirmer que les pratiques homosexuelles sont anormales, dépravées et bestiales en est une autre. C’est une insulte qui n’a pas sa raison d’être.

La dernière missive du Vatican est d’autant plus absurde et incompréhensible que l’Église catholique est en mesure de jouer un rôle extrêmement important au cours des prochaines années. Elle pourrait devenir une sorte de lumière dans la grande noirceur en prônant la tolérance, l’égalité des peuples et des sexes, le respect des différences, la haine des injustices…

Malheureusement, elle préfère s’enfermer dans un discours puritain complètement anachronique qui l’assimile aux pires extrémismes.

Il serait temps que l’Église s’occupe un peu moins de la vie privée, et un peu plus de la vie publique.

Sinon, le vent l’emportera…