Ainsi, Mère Teresa a été béatifiée. Les mangeurs de balustres et les grenouilles de bénitiers du monde entier se réjouissent de voir leur idole s’approcher de la canonisation.
Mais ceux qui ont gardé l’esprit critique, eux, n’ont pas sauté de joie en apprenant la nouvelle.
C’est le cas de Christopher Hitchens, le célèbre journaliste britannique qui, l’an dernier, a lancé une campagne destinée à traîner Henry Kissinger devant les tribunaux internationaux pour crimes de guerre.
Pour ce chroniqueur politique, Mère Teresa est loin d’être une sainte. C’est même tout le contraire. Il y a huit ans, Hitchens a rédigé un essai sulfureux sur la célèbre Albanaise (The Missionary Position: Mother Teresa in Theory and Practice). Il a aussi réalisé un documentaire sur la presque sainte. Le titre? Hell’s Angel. L’ange de l’enfer.
Ça dit tout.
Hitchens a mené une longue enquête sur Mère Teresa. Il a interviewé des gens qui ont travaillé à ses côtés, est allé sur le terrain, a visité ses léproseries et a feuilleté des milliers de documents la concernant. Ce qu’il a découvert est hallucinant.
Selon Hitchens, le but des fameuses léproseries de Mère Teresa n’était pas de guérir ou de soigner les malades, comme le répètent aveuglément ses adeptes (dont le journaliste français Dominique Lapierre): c’était de propager sa vision intégriste du catholicisme aux habitants du Tiers-Monde. Les soins offerts par Mère Teresa dans ses cliniques étaient rudimentaires, pour ne pas dire anti-scientifiques. La médecine que l’on y pratiquait était digne du Moyen-Âge. Mère Teresa ne soignait pas les lépreux: elle les convertissait au catholicisme avant qu’ils ne crèvent. Grosse différence.
Pour Hitchens, ce fait est d’autant plus ironique que lorsque la religieuse tombait malade, elle était soignée par les plus grands spécialistes et bénéficiait des meilleurs soins disponibles.
Hitchens a interviewé une femme qui s’occupait des finances de Mère Teresa. C’est elle qui était chargée de déposer les nombreux chèques que la religieuse recevait chaque jour. Selon cette femme, Mère Teresa avait plus de 50 millions de dollars en banque. Avec cet argent, elle aurait pu construire une clinique hyper-sophistiquée à Calcutta, et offrir des soins de première qualité à ses chers lépreux. À la place, elle les soignait dans des léproseries minables.
Christopher Hitchens croit que ces 50 millions de dollars qui dormaient dans un compte en banque à New York ne représentent qu’une infime partie de la fortune de Mère Teresa. Il demande d’ailleurs que l’on vérifie l’état de ses finances à la loupe, chose qui n’a jamais été faite jusqu’à présent.
Selon Hitchens, Mère Teresa n’était pas seulement pingre. Elle était facho.
Au cours de sa brillante carrière, le religieuse la plus connue et la plus vénérée au monde n’a cessé de vanter les vertus des pires dictateurs de la planète. Elle a chanté les mérites du dictateur albanais Enver Hoxha, affirmé que Jean-Claude Duvalier était un ami des pauvres (!), et a pris la défense de Charles Keating, l’un des pires fraudeurs de l’histoire des États-Unis, lorsqu’il a été reconnu coupable d’avoir arnaqué des milliers d’honnêtes citoyens avec le fameux scandale du Lincoln Savings and Loans.
Normal: Keating avait donné plus d’un million de dollars à la communauté de Mère Teresa.
Comme on dit: gratte mon dos, je vais gratter le tien.
Ne reculant devant rien, Mère Teresa utilisait aussi une partie de sa fortune pour financer des groupes qui militaient contre l’avortement aux quatre coins du monde.
Avant de béatifier une citoyenne, le Vatican organise toujours des audiences privées, afin de s’assurer que la personne choisie soit digne de cet insigne honneur. On invite des gens qui sont pour la béatification, des gens qui sont contre, et on écoute leurs arguments.
Il y a deux ans, Christopher Hitchens a été sommé de se présenter au Vatican afin de participer à une telle audience concernant la béatification de Mère Teresa. Pendant deux heures, le journaliste britannique a fait part de ses découvertes aux représentants du Saint-Père. Peine perdue: la dame a quand même eu droit à sa promotion.
"Mère Teresa incarne l’amour que Dieu porte aux pauvres et aux déshérités du monde", a écrit l’ineffable monseigneur Turcotte, dimanche dernier, dans Le Journal de Montréal.
Bien tiens.