"TQS BOYCOTTE WILFRED – LES ENFANTS PRIVÉS DE LUI AU TÉLÉTHON."
– Page couverture du Journal de Montréal, 5 décembre 2003
C’est avec stupéfaction que le monde des médias a appris la mort soudaine du Journal de Montréal, vendredi dernier, à 6 h 05. Créé par Pierre Péladeau en 1964, Le Journal de Montréal a cessé d’être un tabloïd aimé et respecté du public pour devenir un catalogue des différents produits de l’Empire Quebecor.
Le coroner pratiquera une autopsie sur la dépouille au cours des prochains jours, mais on soupçonne le SPA d’être la cause de ce décès soudain.
Le SPA, ou Syndrome de la Plogue Aiguë, comme l’appellent les spécialistes, est un virus particulièrement insidieux qui a frappé plusieurs médias au cours des deux dernières années. L’horaire télé Voilà! du journal La Presse, par exemple, est porteur du virus du SPA. Toutes les publicités publiées dans le guide ne vantent qu’un seul et unique réseau: Radio-Canada.
Le modus operandi du SPA est toujours le même: il s’infiltre dans un média (généralement par l’entremise d’une ouverture pratiquée dans le département des ventes) et tue toute trace de diversité et d’objectivité, jusqu’à ce que le média en question ne soit plus que l’ombre de lui-même. Ensuite, lorsque le journal ou le réseau de télé n’a plus aucune crédibilité, l’horrible virus délaisse sa victime agonisante pour en choisir une autre.
Malgré la vigilance de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, qui a mis ses membres en garde contre les dangers du SPA, le virus a fait d’énormes ravages dans le monde du journalisme. Il frappe tout ce qui bouge, et ne fait aucune distinction entre les "grands" et les "petits" médias. Personne n’est à l’abri.
Selon des sources proches du défunt, l’agonie du Journal de Montréal fut particulièrement éprouvante. "Le Journal tentait désespérément de s’accrocher à la vie, mais il avait énormément de difficulté à respirer, de dire un témoin qui tient à garder l’anonymat. Les paramètres commerciaux qu’on lui a imposés l’étouffaient littéralement. On a voulu l’aider, mais il n’y avait rien à faire. Plus le temps avançait, plus notre quotidien bien-aimé ressemblait à un catalogue. C’était effrayant."
Outre les nombreux reporters de faits divers qui ont fait sa réputation aux quatre coins du Québec, Le Journal de Montréal laisse dans le deuil plusieurs chroniqueurs, critiques et journalistes aguerris qui, pendant des années, ont travaillé d’arrache-pied pour transformer ce tabloïd populaire en quotidien respectable et respecté. Hier, dans la salle de rédaction, leur douleur était vive.
"Ça fait longtemps qu’on savait notre journal malade, de confier l’un des chroniqueurs. Wilfred et sa bande prenaient de plus en plus de place, et il y a quelques semaines, on nous a même forcés à publier un dossier spécial de deux pages sur les nouvelles coiffures des participants d’Occupation double. Mais on ne croyait jamais que son état de santé allait décliner si rapidement. Lorsqu’on a vu la couverture du numéro du 5 décembre, on a eu un coup au coeur et on s’est tout de suite rendu compte de la gravité de la situation. Ce virus est vraiment une calamité."
Joint dans son bureau de l’Université Laval, à Québec, l’analyste des médias Florent Simoneau affirme que le virus du SPA responsable du décès du Journal de Montréal est l’un des plus virulents à avoir frappé le monde des médias depuis le célèbre bacille de la poupoune de la page 7, qui a fait de nombreuses victimes dans les années 70. "Visiblement, nous avons affaire à une nouvelle génération de virus, croit monsieur Simoneau. Il ne s’agit pas du SPA traditionnel, mais du SPA à concentration transversale, un virus particulièrement dangereux qui crée des liens entre différents médias afin de mieux les contaminer. La présence de ce virus est d’autant plus difficile à remarquer qu’au tout début de la contamination, les médias infectés paraissent plus forts."
La dépouille du Journal de Montréal sera exposée dans l’ancienne maison de Pierre Péladeau, maintenant baptisée Studio Star Académie, et les obsèques seront diffusées en direct sur les ondes de TVA. Notons qu’à la demande du défunt, on suggère aux gens de ne pas envoyer de fleurs. Faites plutôt des dons à la FPJQ et au Conseil de presse.