Ondes de choc

Le Jeu de la morale 7: la question du voile

Quoi de mieux pour commencer l’année qu’un septième Jeu de la morale?

Vous connaissez tous les règles: je vous raconte une histoire vraie qui pose un problème moral, et je vous demande de prendre position. Vous nous répondez par courrier, par télécopieur ([514] 848-9004) ou ici, sur notre site Internet. N’oubliez pas: il ne s’agit pas de répondre seulement par Oui ou par Non, mais bien de développer votre pensée et d’étayer vos arguments.

Cette semaine, le Jeu de la morale tourne autour du port du voile islamique dans les écoles; plus particulièrement, de ce qui se passe actuellement en France.

Comme vous le savez, le ministre de l’Éducation français, le philosophe Luc Ferry, s’apprête à déposer une loi sur la laïcité en février. Cette loi ("dont le texte sera très bref", promet le ministre) interdira les signes religieux ostensibles (c’est-à-dire: pas discrets) dans les écoles de la République à partir de la rentrée 2004.

Pour le pays des Lumières, il s’agit d’un virage à 180 degrés. En effet, après avoir longtemps toléré le port du voile dans les institutions d’enseignement, nos cousins d’outre-mer ont décidé de revenir sur leurs positions et de sortir une bonne fois pour toutes la religion des écoles. Si le projet de loi Ferry est adopté par le Parlement, les élèves pourront porter une petite chaînette dans le cou s’ils le désirent, mais ils ne pourront plus se pointer à l’école avec un voile sur la tête ou un couteau à la ceinture.

Comme on pouvait s’y attendre, l’annonce de ce projet de loi a fait des mécontents chez les musulmans extrémistes, qui perçoivent toute forme de laïcité comme un crime. Ainsi, le 30 décembre, des dizaines de femmes voilées ont participé à une manifestation devant le consulat de France à New York, afin de protester contre la future loi française. "Ce projet de loi est une violation flagrante des droits de l’homme", a déclaré une manifestante.

(Et forcer les femmes à se cacher derrière un voile, c’est quoi? Un grand pas vers l’égalité des sexes?)

Jusqu’à l’assemblée générale de l’Union des organisations islamiques de France qui demande aux musulmans du monde entier de s’associer à toutes les manifestations et initiatives visant à saborder le projet de loi Ferry!

Bref, comme on dit, le yâble est aux vaches.

Il y a même un groupe de terroristes islamistes basé au Yémen qui menace de s’attaquer à des avions d’Air France si le gouvernement français ne renonce pas à son projet de loi sur la laïcité.

La question que je pose est simple. Il ne s’agit pas de vous prononcer pour ou contre le port du voile dans les écoles (entre vous et moi, je ne vois pas qui pourrait être pour… La laïcité, après tout, est l’une des valeurs fondamentales des sociétés occidentales). Mais bien de vous prononcer sur le récent virage effectué par le gouvernement français.

En revenant ainsi sur leurs positions, et en interdisant le port du voile dans les écoles, les Français ne sont-ils pas en train de se tirer dans le pied?

Certes, ils gagnent la bataille de la laïcité. Mais ils risquent aussi d’exciter les extrémistes et de leur donner des munitions.

Ne valait-il pas mieux laisser la bête dormir, comme disent les Anglais ("Let the sleeping dog lie")?

Toute cette affaire est un catch 22. D’un côté, si vous permettez le port du voile dans les écoles, vous trahissez les valeurs fondamentales de la République. Mais de l’autre, si vous l’interdisez, vous ouvrez une boîte de Pandore et risquez de renforcer vos ennemis.

On fait quoi, alors?

Je le répète: la question n’est pas de savoir si le gouvernement français a raison de proposer un projet de loi sur la laïcité; il a parfaitement raison. La question est de savoir si c’est une bonne stratégie à long terme.

J’attends vos réponses. Je vous avoue que j’ai très hâte de vous lire. Car, personnellement, je ne sais pas trop quoi penser de cette affaire.

D’un côté, j’applaudis le courage politique du gouvernement Chirac. Mais de l’autre, j’ai peur des répercussions.

À force de faire des vagues, parfois, on finit par boire la tasse…