Dieu que ça sent mauvais à Ottawa. Blanchiment d’argent, graissage de pattes, contributions fantômes, utilisation frauduleuse des deniers publics… À côté de ce feuilleton, Les Bougon ressemble à une émission pour enfants.
Plus je regarde ça, plus je me dis que notre système politique est vicié. Profondément vicié.
Nous disons que nous vivons en démocratie. Mais comment peut-on parler de démocratie lorsqu’on sait qu’une campagne électorale coûte des millions et des millions de dollars?
C’est bien beau, avoir des idées, une plate-forme, un programme. Mais pour gagner des élections, ce n’est pas des idées qu’il faut, c’est de l’argent. Beaucoup d’argent. Si vous n’avez pas d’argent, vous avez beau avoir des idées plein la tête, les électeurs ne voteront pas pour vous car ils ne connaîtront pas votre programme.
Alors, vous allez le chercher où, votre fric? Dans la poche des riches et des puissants. Vous organisez des soupers-bénéfice et des soirées-gala, vous demandez à Richard the Third ou au président de la Banque Nationale de contribuer à votre campagne électorale, vous serrez des mains, vous faites la tournée des clubs privés…
Or, pourquoi pensez-vous que ces riches et puissants acceptent d’investir dans votre campagne? Parce qu’ils croient à vos idées? Parce qu’ils trouvent que votre programme fera avancer la société? Non. Ils délient les cordons de leur bourse parce qu’ils savent qu’une fois élu, vous vous souviendrez du jour où ils vous ont généreusement remis un chèque.
Ils savent que la première chose que vous ferez lorsque vous vous assiérez sur votre trône sera de remercier chaleureusement vos amis. Ceux qui ont parié sur votre cheval. Ceux qui vous ont placé là où vous êtes.
Résultat: les politiciens passent la première partie de leur mandat à effectuer des renvois d’ascenseur, et la seconde partie à préparer leur réélection. Et lorsqu’ils sentent la fin approcher, ils utilisent leur influence et leur réseau de contacts pour préparer leur sortie et s’assurer une jolie retraite dans le privé. Passez Go, n’allez pas en prison et récoltez 15 millions de dollars.
Prenez nos voisins du sud, par exemple. Tout le monde sait qu’une des meilleures choses qui pourrait arriver aux Américains, c’est de développer des sources d’énergie alternatives. Moins les États-Unis seront dépendants de l’or noir, moins ils enrichiront les milliardaires saoudiens qui financent les réseaux terroristes, et moins ils seront tentés de s’immiscer dans les affaires internes des pays arabes. Ils ne se mêleront plus des affaires du Koweït parce qu’ils n’auront plus besoin du pétrole du Koweït.
Or, pensez-vous que George W. Bush ira dans ce sens en finançant un vaste Manhattan Project énergétique, par exemple? Absolument pas, pour la simple raison que ce sont les compagnies pétrolières qui l’ont placé à la Maison-Blanche! Le vice-président Dick Cheney était CEO de Halliburton Oil, la conseillère en matière de sécurité nationale Condoleezza Rice siégeait au conseil d’administration de Chevron, la famille Bush entretient des liens étroits avec le clan Ben Laden et les cheiks saoudiens, etc.
Elle est où, la démocratie, là-dedans? Il n’y a pas de démocratie. Il y a de l’argent, de l’influence et des renvois d’ascenseur, c’est tout. Tant et aussi longtemps que ça prendra des millions de dollars pour financer une campagne électorale, nous serons dirigés par des pions qui ont les mains liées.
Alors oui, le scandale des commandites qui secoue présentement le Parlement canadien est dégueulasse. Mais ce n’est pas un incident isolé, un "hoquet" du système: c’est le système! C’est comme ça que le système fonctionne. Je te quémande, tu me finances, il m’élit, nous surveillons vos intérêts, vous dormez tranquilles, ils se font fourrer.
Vous savez ce que ça prendrait? Un candidat indépendant de fortune et hyper-connu, qui n’a rien à perdre et qui veut vraiment faire une différence avant de mourir. Quelqu’un comme Oprah Winfrey, par exemple.
Vous riez? C’est pourtant le choix de Michael Moore. Sur son site Internet, Moore a lancé une pétition destinée à inciter la célèbre animatrice à se présenter à la présidence des États-Unis. "Vous êtes une femme, vous êtes noire et vous avez donné le goût à des milliers d’Américains de faire de l’exercice et de lire, écrit-il. C’est déjà beaucoup."
L’idée n’est peut-être pas si bête.