Ondes de choc

Lettre ouverte à la gauche québécoise

Madame la gauche

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J’ai appris qu’après avoir passé un long moment à réfléchir, vous avez décidé de vous lancer en politique. Quelle bonne nouvelle! Le Québec avait besoin de votre contribution. En tant que citoyen et observateur de la scène politique québécoise, j’aimerais vous donner quelques conseils qui, je le crois, pourraient vous être utiles au cours des prochains mois. Ne le prenez pas mal: je ne veux pas vous faire la leçon (je ne suis pas l’un de vos proches, après tout), seulement ajouter mon grain de sel à la discussion.

Voici donc mes humbles suggestions destinées à vous rendre plus glamour.

Soyez drôle, bordel!
Tout le monde connaît Michael Moore aux États-Unis. Cet activiste de gauche a réussi à conscientiser plus d’Américains sur les mensonges de l’administration Bush ou les dangers de la culture des armes à feu que n’importe quel militant. Pourquoi? Parce qu’il est drôle! "Oui, je veux passer des messages, mais je veux aussi que les gens aillent voir mes films le samedi soir en mangeant un pop-corn et en buvant une boisson gazeuse", a-t-il dit. Moore a prouvé qu’on pouvait à la fois être amusant ET intelligent. Pas besoin d’adopter un ton sentencieux ou professoral pour parler des excès de la mondialisation.

Malheureusement, la gauche québécoise a longtemps senti le bas de laine, le sweat-shirt gris et le jus de pipe. C’est l’Église catholique sans le ti-Jésus. Même ton dogmatique et moralisateur. Sous prétexte que l’heure est grave, il faut tirer une tronche longue comme ça et ressembler à un édito d’Ignacio Ramonet.

Or, en adoptant une telle approche, on ne prêche qu’aux convertis.

C’est Françoise David qui dirigera vos troupes, madame la gauche. Voilà qui augure bien. Cette militante bien connue jouit d’un gros capital de sympathie et travaille d’arrache-pied depuis des années pour améliorer le sort des laissés-pour-compte. Malheureusement, l’ex-présidente de la Fédération des femmes du Québec n’est pas l’être le plus coloré qui soit. En fait, on pourrait dire qu’elle est à l’humour ce que les pingouins sont au cyclisme de compétition. Ce n’est pas elle qui va briser votre image jésuite…

Pourtant, on peut être de gauche ET irrévérencieux, de gauche ET mordant. On n’a qu’à penser aux Zapartistes, au Couac, aux Falardeau Brothers (Pierre et Philippe). Ou au Michel Chartrand des beaux jours.

Même l’Église catholique a eu recours aux messes à gogo pour grossir les rangs de ses fidèles. Pourquoi la gauche ne serait-elle pas aussi festive?

Soyez réaliste
Il est fini le temps où les gens croyaient qu’on pouvait avoir le beurre, l’argent du beurre et la vache au grand complet. Les citoyens ne sont plus naïfs: ils savent qu’il y a un prix à tout. Plus personne ne croit au paradis sur terre. Si on taxe trop les entreprises, elles vont s’installer ailleurs, et ce sont les travailleurs des autres pays qui en bénéficieront. C’est plate, mais c’est la réalité.

Donc, laissez les utopies aux écrivains de science-fiction, choisissez soigneusement vos causes (on ne peut pas gagner sur tous les fronts) et cessez de nous dire que la seule façon de régler tous les problèmes du monde est de hausser les impôts ou de créer une nouvelle taxe. Y en a marre des taxes. Au Québec, même la taxe est taxée! Soyez imaginatif, et arrêtez de considérer le secteur privé comme l’incarnation du Mal. Il n’y a que dans les westerns que le monde est divisé en deux clans bien distincts.

Soyez culturel
Enfin, demandez l’aide des artistes. Pas seulement pour participer à des spectacles bénéfice (on a beau avoir le cœur à gauche, combien de fois peut-on aller entendre chanter Richard Séguin dans une année?), mais pour allumer les consciences. Richard Desjardins a fait plus pour les forêts québécoises que tous les "tree huggers" du monde. Il y a quelques mois, des militants américains ont demandé à des cinéastes de tourner des vidéoclips d’une minute dénonçant l’administration Bush. Pourquoi ne pas faire la même chose au Québec, en ciblant Jean Charest? Les membres de Kino Québec, installés aux quatre coins de la province, s’en donneraient à cœur joie.