Ondes de choc

Les faussaires

"Fausses infos, fausses poitrines / Fausses photos pour de faux magazines / Faux guérisseurs, fausses fortunes / Faux électeurs dans les fosses communes / Faux soldats dans les fausses guerres / Ça va finir, ça va finir / Qu’on sera tous des faussaires."

– Les Faussaires, Francis Cabrel

Cette semaine, nous avons appris qu’Ahmad Chalabri, l’homme d’affaires chiite qui a réussi à convaincre le New York Times de la nécessité d’attaquer l’Irak, serait en fait un agent iranien qui profitait de ses entrées au Pentagone pour transmettre de faux renseignements au gouvernement américain.

Non seulement le directeur du Congrès national irakien aurait-il manipulé l’administration Bush pour le compte de l’Iran, mais il a profité de la chute de Saddam pour se remplir les poches et amasser une jolie fortune.

C’est pas beau, ça?

Les mensonges s’accumulent à une telle vitesse dans le dossier de la guerre en Irak qu’on en perd le fil. C’est mensonge par-dessus mensonge par-dessus mensonge…

D’abord, c’étaient les armes de destruction massive que l’on n’a jamais trouvées.

Ensuite, le faux rapport inspiré d’un travail d’étudiant.

Puis les discours alarmistes de Bush qui, on l’a appris plus tard, déformaient de façon délibérée les données recueillies par les services de renseignement britanniques et américains.

Je viens tout juste de terminer la lecture d’Against All Enemies, les mémoires explosives de Richard A. Clarke, l’ex-baron de la lutte antiterroriste aux États-Unis.

Clarke raconte que quelques heures après les attentats du 11 septembre, George W. Bush l’a fait venir dans son bureau.

"Est-ce qu’il y a un lien entre Saddam Hussein et les attentats? lui a demandé le président.

– Aucun, a répondu Clarke. Tous nos services de renseignement sont d’accord là-dessus: il n’y a aucun lien entre Saddam Hussein et Ben Laden. Cette théorie n’a aucun fondement, et a été écartée par tous nos spécialistes.

– Eh bien, trouvez-en un, lui a dit le président. Relisez tous vos documents, vérifiez chaque ligne, chaque détail. Saddam est sûrement responsable, l’Irak est sûrement mêlé à ça…"

Clarke a eu beau répéter que cette théorie ne tenait pas debout, et que c’était Al-Qaida qui était responsable des attentats du World Trade Center, pas l’Irak ou le Luxembourg, rien n’y fit: le président ordonna aux différents services de renseignement d’enquêter sur un possible lien entre Saddam Hussein et Ben Laden. Pendant plusieurs heures, donc, alors qu’il y avait des choses autrement plus urgentes à faire, les haut gradés de la CIA et de l’Agence de sécurité nationale ont rouvert le dossier Hussein. Ils ont relu leurs documents, comparé leurs données, passé leurs rapports à la loupe… Pour se rendre compte qu’il n’y avait bel et bien AUCUN lien entre Saddam et les attentats du 11 septembre. Ils ont donc envoyé un mémo officiel au président, l’informant de leur conclusion.

Mais le président n’a jamais répondu à ce mémo. Il ne lui a jamais donné suite. C’est comme s’il n’existait pas.

Quelques jours plus tard, George W. Bush déclarait la guerre à l’Irak.

"Les États-Unis sont aux prises avec deux ennemis importants, affirme Clarke. Des ennemis extérieurs qui veulent détruire le pays, et des ennemis intérieurs qui veulent détourner sa Constitution…"

Les deux sont dangereux pour la démocratie.

ooo

Dans trois jours, on commémorera le soixantième anniversaire du Débarquement. Bush tentera de profiter de cet événement pour redorer son image et justifier sa Croisade. Mais personne ne sera dupe.

Les soldats américains qui sont tombés sous les balles ennemies en 1944 ne sont pas morts en vain: ils se battaient pour la liberté. Mais les G. I. qui reviennent actuellement dans des sacs verts sont morts pour rien. Ils ont été envoyés au front pour une histoire de pétrole, de vengeance personnelle. Pour assouvir les ambitions d’un politicien minable qui rêvait d’avoir son nom inscrit dans les livres d’histoire.

Finalement, les gens qui ont manifesté contre la guerre en Irak avaient raison: cette opération militaire est une mascarade.

Comme le disait le sociologue René Dumont: cette guerre nous déshonore.