Ondes de choc

La peste

Vous souvenez-vous des débuts de l’épidémie du sida? On avait l’impression d’être dans un film de zombies quand on marchait dans la rue. On croisait des visages émaciés recouverts de plaques brunes, des fantômes squelettiques ployant sous la souffrance, des gars de 30 ans aux cheveux blanchis prématurément…

Chaque jour, on apprenait qu’un tel était mort ou qu’un autre agonisait. Nos amis gais tombaient littéralement comme des mouches.

Et puis est arrivée la trithérapie. Du coup, les signes apparents du sida ont disparu. La maladie continuait de faire des ravages, mais silencieusement, en cachette. On ne croisait plus des morts vivants comme avant.

On s’est dit: ça y est, on a gagné, le sida est mort. Le temps est venu de passer à autre chose. Au SRAS, à la maladie de la vache folle, aux abeilles qui donnent le cancer…

On a tourné la page, mais le sida, lui, a continué son sombre boulot. Résultat: à la fin de l’année 2003, 38 millions de personnes étaient séropositives dans le monde. Et l’an dernier, les nouvelles contaminations ont atteint le chiffre record de cinq millions de personnes.

Bref, c’est la catastrophe. Avec ses 20 millions de morts depuis 1981, le sida est devenu la plus grande pandémie de l’histoire de l’humanité.

Mort, le sida? Mort de rire, oui.

ooo

Et qu’est-ce qu’on fait, pendant ce temps? On se demande s’il ne faudrait pas prôner l’abstinence pour protéger les jeunes…

L’abstinence, bordel! En 2004! Alors que les filles de neuf ans s’habillent comme des danseuses de Chez Paré! Ça va pas, non?

Comme le chantait Midnight Oil: "How do we sleep while our beds are burning?"

Dieu que nous sommes hypocrites lorsqu’il est question de sexe! On utilise le cul à toutes les sauces, pour vendre des jeans, des magazines ou du dentifrice, mais on se pose des questions d’ordre éthique lorsque vient le temps de parler de condoms à l’école.

Le cul n’a jamais été aussi présent dans notre vie. On ne peut plus faire un pas sans voir une image à connotation sexuelle (si ça continue comme ça, Parasuco va bientôt nous montrer une fille en train de faire un blow-job sur ses panneaux). Pourtant, on n’a jamais si peu parlé de sexe à l’école.

La réforme de l’éducation a fait complètement disparaître l’éducation sexuelle du menu scolaire. Avant, c’était le prof de morale qui était chargé d’aborder le sujet dans son cours. Aujourd’hui, c’est l’ensemble du corps professoral qui doit parler de sexualité aux jeunes!

En effet, comme le faisait remarquer la sexologue Jocelyne Robert dans sa chronique de La Presse en novembre dernier, la sexualité est maintenant devenue une "compétence transversale". L’éducation sexuelle n’a plus de niche à l’école, elle n’est plus placée sous la responsabilité d’un intervenant en particulier. Elle fait maintenant partie des "domaines généraux de formation" qui doivent être "pris en compte dans l’ensemble des activités se déroulant à l’école".

En bon français, ça veut dire que l’éducation sexuelle est maintenant la responsabilité de tous les profs. Le prof de maths devra parler de sexe entre deux leçons d’arithmétique, le prof de musique devra parler de sexe entre deux envolées sur Mozart, etc.

"Combien font 25 et 44, les amis? Soixante-neuf, c’est ça! Parlant de 69, savez-vous que…?"

Ça, c’est de l’éducation sexuelle, monsieur! Après ça, on se demande pourquoi les jeunes sont un peu mêlés…

Connaissez-vous le Rainbow Club? C’est un jeu qui connaît une certaine popularité auprès des jeunes. Quatre gars forment un cercle. Au milieu du cercle, quatre filles se mettent à genoux. Chaque fille a les lèvres peintes d’une couleur différente: une fille a les lèvres rouges, l’autre a les lèvres mauves, etc. Chacune des filles suce un gars. Après une ou deux minutes, les filles effectuent une rotation, et sucent un nouveau gars. À la fin du jeu, les gars ont quatre barres de couleur sur leur pénis.

Pas mal, hein?

Paraît que les filles qui acceptent de jouer au Rainbow Club deviennent très populaires.

Et que font les bonzes du ministère de l’Éducation pendant que les ados s’amusent? Ils abolissent les cours d’éducation sexuelle.

Pas étonnant que le sida fasse autant de progrès…