Ondes de choc

Maudites moumounes

"Il ne faut pas seulement accepter la différence. Il faut la célébrer."

– Bill Clinton

Qu’avez-vous fait, dimanche après-midi? Moi, j’ai participé au défilé de Divers/Cité avec ma blonde. Et je me suis amusé comme un petit fou. Comme l’an dernier.

Chaque année, les organisateurs demandent à des "personnalités publiques" de participer au défilé. La tâche des invités est simple: vous montez à bord d’un véhicule et vous saluez les spectateurs qui se massent des deux côtés du boulevard René-Lévesque. That’s it, that’s all. Pas de discours, pas de revendications politiques, rien. Tout ce qu’on demande, c’est que vous soyez présent.

Or, cette année, la liste des invités qui ont accepté de participer au défilé était maigre. Très maigre. Même le maire Gérald Tremblay a foutu le camp après la conférence de presse…

J’ai beau me creuser la tête, je ne comprends pas pourquoi aussi peu de gens ont accepté l’invitation. C’est quoi, le problème? Vous avez peur de passer pour des fifis?

Mon ami et ex-confrère de Voir Luc Boulanger a participé à une ligne ouverte à CKAC, la semaine dernière. Pendant deux heures, il a écouté des auditeurs des quatre coins de la province vomir sur le défilé Divers/Cité. "Une bande de dépravés qui se mettent tout nus", "Des folles hystériques qui font honte au mouvement gai", "Des tarlouzes excitées qui se déguisent en femmes et qui se mettent des plumes dans le cul", etc.

C’est pour ça que les vedettes fuient le défilé? Parce qu’elles ne veulent pas être associées à une "bande de moumounes exhibitionnistes"?

Ciboire…

Et le défilé du Carnaval de Rio, qu’est-ce que vous en pensez? Trouvez-vous qu’il ridiculise les hétérosexuels? Pourtant, il y a des filles à poil, des nénettes qui se montrent les fesses, des gars à moitié vêtus qui se frottent la bizoune sur des danseuses en sueur, des Brésiliennes qui se dandinent les boules à l’air…

Lorsque vous avez vu les Flamers de Calgary se montrer les seins en public chaque fois que leur équipe fétiche remportait un match au cours des séries éliminatoires, vous êtes-vous dit que toutes les filles hétérosexuelles qui tripent sur le hockey étaient des maudites cochonnes? Non. Vous avez trouvé ça drôle, vous vous êtes dit que c’était des filles rigolotes qui étaient sur le party… Vous êtes même allés voir leur site Internet!

Alors pourquoi ne pensez-vous pas la même chose lorsqu’il s’agit des gais?

Bien oui, il y a des folles qui se déguisent en femmes au défilé Divers/Cité. C’est un party, maudit, une fiesta! Mais il y a toutes sortes d’autres homosexuels: des homos pères de famille, des lesbiennes comptables, des grands-parents gâteaux, des gais qui votent à gauche, des gais qui votent à droite, des gais qui croient en Dieu, des gais qui n’ont jamais mis le pied dans une église… Tenez, la fille qui conduisait l’auto dans laquelle je prenais place était tout ce qu’il y a de plus ordinaire. T-shirt, short, sandales. Au début du défilé, elle m’a présenté sa conjointe, une fille lumineuse avec un petit bedon tout rond. Les deux attendent leur premier enfant en octobre. "C’est un gars!" ont-elles lancé en chœur. Elles étaient comme n’importe quel couple qui attend un bébé: les yeux dans la graisse de bines, la tête qui tourne. Dans trois mois, elles vont parler de couches et s’extasier devant un papier peint à l’effigie de Caillou.

Et quand leur fiston va faire un p’tit caca, elles vont dire: "Oh, le beau p’tit caca!" d’une voix un peu nounoune.

C’est pour ça que je n’ai pas hésité une seconde lorsqu’on m’a demandé de participer au défilé Divers/Cité.

Parce que je trouve qu’il n’y a rien de plus précieux que la différence. Parce que la diversité me fait triper.

Ce n’est pas seulement la "gaieté" que l’on célèbre à Divers/Cité. C’est le fait que ça prend toutes sortes de monde pour faire un monde. Des straights, des pas straights, des cravatés, des tout-nus, des machos en cuir, des gars qui se plantent des plumes dans le cul, des fonctionnaires en chemise à manches courtes.

Et des moumounes qui refusent de participer à un défilé, de peur de ce que les autres vont penser.