Ondes de choc

King Kong contre Godzilla

Plus que deux mois avant les élections américaines. Deux mois à regarder Bush et Kerry comparer leurs muscles et la longueur de leur zizi.

Savez-vous ce qui a le plus changé dans le paysage politique américain depuis le 11 septembre? La morphologie du Parti démocrate.

Le Parti démocrate ressemble au gringalet que l’on voyait dans les publicités destinées à vendre des appareils de musculation dans les années 60. Il était tout maigre, tout chétif, tout pâle, et quand il allait à la plage, des surfers découpés au couteau lui lançaient du sable dans les yeux et se moquaient de lui devant les filles. Alors un jour, le gringalet en a eu assez. Il s’est fait venir des poids et des haltères par la poste, et il s’est terré dans son sous-sol pendant un an. Lorsqu’il est retourné à la plage, l’été suivant, les choses avaient changé. Notre bonhomme était musclé comme un cheval, et plus personne n’osait lui jeter du sable dans les yeux. Il était – enfin – respecté.

Eh bien, c’est exactement ce qui s’est passé avec le Parti démocrate.

Avant, le Parti démocrate était le parti des intellectuels, le parti des idées, le parti du débat. Il était diplômé de Harvard et portait un veston en tweed avec des patchs en cuir sur les coudes. Tout le monde voulait discuter avec lui, il était érudit, cultivé, spirituel. Un vrai Woody Allen.

Mais un jour, un terroriste a lancé deux avions de passagers dans les plus hautes tours du pays, et depuis ce temps, les Américains ont la chienne.

Or, qui appelez-vous quand vous avez peur? Woody Allen? Non. Vous appelez Clint Eastwood. C’est ce que le peuple américain a fait: il s’est tourné vers Dirty Harry et lui a demandé de dégainer son Magnum au plus sacrant. Il est bien gentil, Woody, mais quand le feu est pris dans la maison, ce n’est pas une défense de thèse que vous voulez entendre, c’est: "Go ahead, make my day."

Le Parti démocrate a appris sa leçon, et il a fait comme Dustin Hoffman dans Straw Dogs, de Sam Packinpah: il a rangé ses lunettes dans un tiroir et s’est transformé en machine de guerre.

D’où le succès de John Kerry.

Kerry, c’est le nouveau démocrate. Un gauchiste qui ressemble à un général d’armée. Ce n’est pas son diplôme qu’il brandit quand il veut qu’on l’écoute, Kerry, ce sont ses cinq Purple Hearts. Le nouveau chef démocrate a des couilles grosses comme ça, et il ne perd jamais une occasion de les montrer.

Résultat? Le Parti démocrate a réussi à changer son image. Il a prouvé aux Américains qu’il peut être aussi à l’aise sur un champ de bataille que sur un campus. Malheureusement, cette transformation s’est faite aux dépens de la diversité des idées.

Les Américains se retrouvent maintenant avec deux partis bellicistes. On avait Woody contre les robots. On se retrouve maintenant avec Hercule contre Maciste. Le discours pacifiste a complètement pris le bord. Désormais, c’est qui est le plus fort, le plus décoré, le plus courageux.

"J’ai gagné la guerre en Irak!" "Oui, mais moi, j’ai combattu pendant la guerre du Vietnam!"

"J’ai arrêté Saddam Hussein!" "Oui, mais moi, j’ai été décoré par l’armée!" Etc., etc.

On a l’impression d’assister à un concours d’hommes musclés à la Palestre nationale. Deux gros gars huilés, qui font bouger leurs pectoraux devant un jury impassible.

Les amateurs de gros muscles s’en sortent gagnants. Mais la démocratie, elle, n’en est que plus affaiblie.

Mea-culpa

La semaine dernière, à l’émission de radio de Marie-France Bazzo, j’ai dit – à la blague – que Jacques Parizeau devrait aller se reposer sur une île déserte. La façon dont je me suis exprimé laissait croire que je voulais écarter l’ex-premier ministre de la scène publique parce qu’il était vieux. Ce n’est pas le cas. Aurait-il 32 ans que je caresserais la même idée.

Pourquoi? Parce que je trouve sa dernière idée particulièrement mauvaise. À mon humble avis, une élection référendaire serait le plus beau cadeau que l’on puisse donner à Jean Charest. Il n’aurait qu’à dire: "Un vote pour le PQ est un vote pour l’indépendance" pour remporter les élections et nous emmerder pendant quatre autres années.

C’est ce que vous voulez? Pas moi.