Le père
– Les enfants, venez me rejoindre au salon, j’ai une grande nouvelle à vous annoncer! Vous connaissez Mario Dumont, le jeune politicien qui parle des vraies affaires au vrai monde? Eh bien, après neuf longs mois de gestation, Mario Dumont a enfin accouché d’un nouveau concept politique: l’autonomisme!
Les enfants
– C’est quoi, l’autonomisme?
Le père
– C’est l’indépendance sans l’indépendance.
Les enfants
– ????
Le père
– Je sais, ça semble compliqué, mais en fait, c’est simple comme bonjour. Prenez monsieur Patry, le père de Jean-Nicholas qui demeure de l’autre côté de la rue. Eh bien, monsieur Patry est un autonomiste.
Les enfants, les yeux écarquillés
– Ah oui????
Le père
– L’an dernier, monsieur Patry voulait divorcer pour vivre sa vie comme il l’entendait. Mais son comptable lui a dit que ça coûterait trop cher, que ça traumatiserait les enfants, etc. Alors monsieur Patry a eu une excellente idée: il est devenu autonome! Il se crisse de madame Patry comme de l’an 40, il ne l’écoute plus quand elle parle, il ne lui demande plus son opinion avant de prendre une décision, il ne couche plus avec elle, il rentre à l’heure qu’il veut et il fait tout ce qui lui plaît quand ça lui plaît et avec qui ça lui plaît! Fantastique, non?
Les enfants
– Et madame Patry, elle accepte ça sans broncher?
Le père
– Bof, je ne sais pas. Entre vous et moi, on s’en fout. C’est ça qui est beau avec l’autonomisme: tu n’as pas besoin de l’assentiment de l’autre partie pour devenir autonome! Tu te lèves, un matin, et tu dis: "Ça y est, aujourd’hui, je suis autonome!" Mario Dumont l’a dit: le Québec rapatriera un à un tous ses pouvoirs, que le Canada le veuille ou non. Génial, non?
Les enfants
– Mais pourquoi monsieur Patry reste-t-il avec madame Patry, alors? À quoi ça sert de rester marié si c’est pour vivre comme un célibataire?
Le père, fâché
– Ah, vous commencez à me casser les couilles, hein! C’est toujours la même chose: chaque fois que j’arrive avec une bonne nouvelle, vous vous arrangez pour crever ma balloune! Monsieur Patry reste avec madame Patry parce que c’est comme ça, bon! Parce que c’est plus simple! Parce que dans le fond, même s’il n’y a plus d’amour entre les deux depuis longtemps, il reste étrangement attaché à elle! Il aime entendre son souffle au milieu de la nuit, il aime sentir son corps chaud à ses côtés…
Les enfants
– Et il aime surtout le fait que madame Patry a hérité d’une grosse maison quand sa mère a clamsé, l’an dernier! Même s’il n’aime plus sa femme, c’est quand même plus agréable de demeurer à Ville Mont-Royal que dans un deux et demi sur Jean-Talon!
Le père
– Vous saurez que ça prend beaucoup plus de courage pour être autonomiste que pour se séparer! Tout le monde peut se séparer, c’est à la portée du premier venu, vous prenez vos bagages, et ça y est, c’est fait! Alors qu’être autonomiste est beaucoup plus difficile. On marche constamment sur des œufs, on vit dans une zone grise, à cheval entre l’illégalité et la légitimité. Ça prend beaucoup, beaucoup de tact. Contrairement à vous, j’ai beaucoup de respect pour monsieur Patry. Il n’est pas arrivé à cette conclusion de gaieté de cœur, vous savez. Il a emprunté plusieurs autres voies avant d’opter pour l’autonomisme.
Les enfants, surpris
– Ah oui?
Le père
– Il a vécu dans le cabanon, dans la cour. C’était sa période souveraineté-association. Il a couché sur le plancher de la chambre à coucher, puis dans le corridor et dans le salon. C’était sa période étapiste. Il a même renouvelé ses vœux de mariage, un coup de tête qu’il a appelé "le beau risque"! Mais chaque fois, il a essuyé un échec. Madame Patry refusait de reconnaître ses besoins et ses aspirations.
Les enfants
– Et tu es sûr que cette fois-ci, ça va marcher?
Le père
– J’en suis convaincu. La preuve que l’autonomisme est une idée brillante: Mario Dumont a reçu l’appui de CHOI-FM. Jeff Fillion lui-même a demandé aux électeurs du comté de Vanier de voter pour l’ADQ! Si ce n’est pas un signe des dieux, les enfants, je ne sais pas ce que c’est. Non, vraiment, cette fois, je le sens. Le Québec est enfin rendu au bout de son calvaire.