Ondes de choc

Dead duck

Alors, vous avez fait votre choix? Qui va gagner, selon vous, Bush ou Kerry?

Moi, je crois que c’est Bush. Je peux me tromper (en fait, j’espère me tromper!), mais j’ai le sentiment que Georgie restera en poste, et qu’il aura, cette fois, un mandat clair de la part des électeurs américains.

Quand cette idée m’a-t-elle traversé la tête? Au moment où j’ai vu Kerry en train de chasser des oies sauvages.

Vous avez vu ces images? John Kerry marche dans le bois, une carabine à la main et une veste de camouflage sur le dos. Il regarde la caméra et nous fait un gros thumb up, en signe de victoire. On dirait une pub de la National Rifle Association.

En regardant cette scène ridicule, et en entendant John Kerry dire qu’il venait de tuer une oie même s’il avait les mains vides ("J’étais trop paresseux pour la transporter", a-t-il lancé aux journalistes en guise d’explication…), je me suis dit: "Ça y est, George W. Bush vient de gagner ses élections."

Pourquoi? Parce qu’un candidat à la présidence ne se bat jamais sur le terrain de son adversaire, surtout pas lorsque celui-ci loge à la Maison-Blanche. Il pose d’autres questions, soulève d’autres problèmes, invite les électeurs à analyser la situation sous un autre angle. Or, Kerry, lui, tente de battre Bush à son propre jeu.

Désolé, monsieur Ketchup, mais si je veux un président qui se prend pour un G. I. Joe et qui passe ses temps libres à tirer dans le cul des canards pour prouver qu’il a des couilles, je vais voter Bush.

J’attends un autre discours de la part du chef démocrate. Un discours plus sophistiqué, une image moins primaire.

Que dit John Kerry lorsqu’il se fait filmer en train de jouer à Rambo dans les sous-bois d’Ohio? Il dit qu’on ne peut pas gagner une élection sans courtiser les membres de la NRA. Que pour entrer à la Maison-Blanche, il faut jouer du gun.

Les Américains veulent un leader. Or, un leader mène, c’est lui qui donne le ton, qui indique la marche à suivre. Que nous a montré Kerry, cette semaine? Il nous a montré qu’il était prêt à marcher dans les traces de George W. Bush pour gagner quelques votes.

"L’image de tough guy du président plaît aux électeurs? Alors je vais copier son style afin d’augmenter les chances de me faire élire."

Très, très mauvaise décision. N’importe quel stratège le dira: accepter de se battre sur le territoire de son adversaire, c’est se mettre en position de faiblesse.

Autre erreur de taille: lors du dernier débat présidentiel, John Kerry a dit que le vice-président Dick Cheney avait une fille lesbienne. Selon l’entourage du candidat démocrate, Kerry a parlé de la vie amoureuse de Mary Cheney pour une seule et unique raison: dénoncer les contradictions de ses adversaires, qui acceptent l’homosexualité en privé mais non en public. C’est sûrement le cas. Reste que cette stratégie laisse quand même un goût amer dans la bouche. On pourrait penser que Kerry voulait simplement jeter de l’huile sur le feu en rappelant aux républicains homophobes que le numéro 2 de l’administration Bush compte une "ennemie de l’ordre moral" dans sa famille.

Pas génial comme tactique. Ça pourrait laisser croire à certains "démocrates mous" que Kerry est prêt à tout pour gagner – même utiliser les chiottes de ses adversaires.

Cela dit, qui sait? J’ai peut-être tort sur toute la ligne. Kerry a peut-être bien fait de brandir sa carabine et d’utiliser la vie personnelle de la fille de son adversaire. Nous le saurons le 2 novembre.

Mais quoi qu’il advienne, une chose est sûre: les décisions récentes du clan Kerry montrent qu’aux États-Unis, la politique est devenue un sport extrême. La seule façon de gagner est d’accepter de se rouler dans la merde.

Cela n’augure rien de bon pour la suite des choses. Que la pièce tombe côté pile. Ou côté face.