C’est aujourd’hui que George W. Bush commence son second mandat comme leader de la plus puissante nation au monde. Pour l’occasion, le monsieur et son entourage ont organisé une fête monstre. Au programme: trois jours de célébrations comprenant des feux d’artifice géants, des soupers aux chandelles, un brunch, une messe, des concerts, plusieurs défilés militaires et neuf bals (dont le Bal de la Démocratie, le Bal de la Liberté et le Bal des Patriotes).
Coût de l’opération: plus de 50 millions de dollars, dont 14 juste pour la sécurité.
Remarquez, le président a toutes les raisons du monde de se péter les bretelles. Après tout, 122 000 emplois perdus depuis son entrée à la Maison-Blanche, un déficit record de 413 milliards de dollars, 1355 militaires américains tués et 10 372 blessés (en date du 11 janvier), ce n’est pas à la portée du premier venu. Ça mérite un maudit gros gâteau, si vous voulez mon avis.
Bon, effectivement, 50 millions de dollars, c’est pas de la gnognotte. Surtout en temps de guerre, alors que le pays est censé se serrer la ceinture pour soutenir les troupes. Mais soyez sans crainte: ce n’est pas le gouvernement qui financera cette méga-partouze, mais le secteur privé.
En effet, une poignée d’entreprises ont gracieusement accepté de ramasser la note.
Qui sont ces généreux donateurs, vous demandez-vous? Ce sont des compagnies qui ont la main sur le cœur. Ford Motor Co., ExxonMobile et le constructeur d’équipements militaires Northrop Grumman (le troisième plus gros client de la Défense américaine), de même que plusieurs organismes caritatifs comme l’Association américaine des banquiers.
Et ils donnent tout cet argent comme ça, sans aucune arrière-pensée, juste parce qu’ils aiment le président!
C’est pas beau, ça?
Mais ne soyez pas tristes, je suis sûr que le président les remerciera. Si Jean Charest est capable de financer les écoles juives à 100 % afin de remercier ses amis de la communauté qui ont versé 750 000 $ dans sa caisse électorale, je ne vois pas pourquoi Dubya resterait de glace devant une si grande marque de générosité. On a beau être l’homme le plus puissant de la planète, on n’en reste pas moins humain.
Si vous voulez assister à cet événement historique, ne paniquez pas, il reste encore de bons billets. Yianni Konstantopoulos, un consultant du domaine de la santé qui travaille à la Banque Mondiale, par exemple, a reçu deux billets en cadeau. Il les vend 1000 $ la paire.
Je suis d’accord, c’est pas donné, mais que voulez-vous, c’est le prix à payer pour voir la démocratie en marche. De toute façon, et entre vous et moi, le spectacle vaut amplement le prix. Pour 1000 $, vous aurez deux sièges dans les bleachers, avec une vue imprenable sur le défilé militaire. Vous pourrez même voir George W. inspecter les troupes devant la Maison-Blanche, avec son regard perçant.
C’est bien simple, j’en tremble rien que d’y penser.
Imaginez… On a mis sur pied une escouade de 200 volontaires juste pour s’occuper des arrangements floraux! Ces bénévoles travailleront d’arrache-pied pendant 11 jours afin de s’assurer que chacune des 250 000 fleurs soit bien placée.
J’espère qu’on enverra de belles photos couleur aux soldats en poste en Irak. Ça peut vous paraître futile, mais c’est important, ce genre de détails, quand on est militaire. Les gars vont regarder ces photos, et ils vont se dire qu’ils ne risquent pas leur vie pour rien. Ça leur donnera du courage, et ça leur permettra de continuer…
Parce qu’on a beau répéter: "Vous vous battez pour la liberté, les boys", c’est quoi, au juste, la liberté? C’est abstrait, ça ne veut rien dire, c’est un mot vide, une idée creuse.
Alors que là, ils pourront se dire: "Voilà, c’est ça, la liberté. C’est pour ça que je me bats. Pour permettre au Ritz-Carlton de Washington de vendre des forfaits Inauguration de quatre jours, comprenant le transport aller-retour en jet privé, un service de massage personnalisé, des bijoux pour madame, des vêtements pour monsieur, de même que du champagne et du caviar pour 25 personnes, tout ça pour 150 000 $."