Ondes de choc

Nos amis les papes

Comme ça, le Vatican ne se contente plus d’être contre le mariage gai: il encourage les fidèles à faire pression auprès de leurs élus afin de les obliger à reculer, et à abandonner leur projet de loi permettant le mariage entre personnes de même sexe.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, quand le Vatican se prononce sur des questions morales, je tends l’oreille.

Parce qu’ils s’y connaissent, en moralité, les papes. De vrais spécialistes.

Prenez Jean XII, par exemple.

(Les exemples que je vais vous citer proviennent d’un bouquin passionnant, The Pope Encyclopedia, de Matthew Bunson, un papophile qui vit à… Las Vegas, Nevada. Comme quoi les voies de Dieu sont souvent impénétrables.)

Ce pontife, donc, qui a été nommé pape en 955, à l’âge de 18 ans, a connu un règne controversé. Il a transformé son palais en bordel, invoquait les dieux païens pour qu’ils l’aident à gagner aux dés, et a même trinqué à la santé du diable lors d’une de ses célèbres beuveries. Il serait mort d’une crise cardiaque dans les bras d’une de ses maîtresses. D’autres disent qu’il a plutôt été tué par un mari cocu. Allez savoir…

Serge III est un autre rigolo. Cet homme de foi qui a régné de 904 à 911 venait-il tout juste de poser ses fesses bénies sur le Saint-Siège qu’il a demandé que l’on étrangle son prédécesseur, le pape Léo V. Pas content de s’être débarrassé de la compétition, il a aussi eu un fils avec une jeune fille de 15 ans, fils qui est devenu lui-même pape en 931! Comme quoi, dans l’Église catholique, on est parfois pape de père en fils…

Innocent VIII, lui, a régné de 1484 à 1492. Connu pour ses goûts extravagants, Innocent s’est lancé dans des guerres inutiles et coûteuses. Frôlant la faillite, il a dû vendre des indulgences pour rembourser ses dettes. Trente ans plus tard, le pape Léon X se montrera encore plus astucieux. En effet, tout aussi dépensier et tout aussi ruiné, il eut la brillante idée de créer 30 nouveaux postes de cardinal et de les vendre à fort prix pour remplir ses coffres et se sortir du trou. (Comment il disait, Jésus, déjà? Ah oui: "Chassez les vendeurs du Temple." Bien tiens.)

Le successeur d’Innocent VIII fut Alexandre VI. Lui, c’était ce qu’on appelle un cas. Si Fabienne Larouche écrivait une mini-série sur l’histoire des papes, il serait joué par Jean-Pierre Bergeron.

Membre de la célèbre famille Borgia (les Cotroni de l’époque), cet homme pieux a eu plusieurs maîtresses et une trâlée d’enfants. Voulant profiter de sa situation pour faire fructifier la fortune de ses amis (c’est sûrement le patron de Jean Chrétien), Alexandre VI a distribué des nominations à droite et à gauche, nommant même son fils de 18 ans cardinal! Son règne a été marqué par de sordides histoires d’orgies, d’empoisonnements et d’inceste.

Il ne faudrait pas oublier Paul IV. Saint-Père de 1555 à 1559, ce grand humaniste qui avait le cœur sur la main a envoyé plusieurs centaines de moines au bagne et obligé les Juifs à porter un uniforme pour qu’on les reconnaisse dans la rue. Cette coquetterie vestimentaire était en quelque sorte l’ancêtre de l’infâme étoile jaune qui, 400 ans plus tard, allait condamner des millions de personnes à la mort, pendant que le gentil pape Pie XII regarderait pieusement ailleurs (voir le film Amen, de Costa-Gavras)…

Ajoutez à cela les milliers de victimes de l’Inquisition, le pape Léon X qui affirma sans rire que la traite des esclaves était une "œuvre évangélisatrice", les liens qui unissaient la Banque du Vatican et la mafia en 1974, les tentatives ratées du Vatican pour faire libérer Augusto Pinochet en 1978 et les scandales sexuels qui ont récemment impliqué plusieurs hauts dignitaires de l’Église catholique, et vous avez une joyeuse bande de lurons qui sont aussi habiles à donner des leçons de morale que moi, à donner des leçons de ski acrobatique.

De tous les papes qui ont marqué l’Histoire, cinq au moins étaient mariés, onze étaient des fils de papes ou de prêtres et six eurent des enfants illégitimes.

Alors, pour la morale, on repassera…