Avez-vous vu Maman Last Call?
Le film a reçu un accueil partagé. Certains ont aimé, alors que d’autres sont restés sur leur faim. Personnellement, j’avoue que j’ai craqué. Big time.
J’ai adoré le jeu sympathique des interprètes, la réalisation inventive de François Bouvier et les dialogues savoureux de Nathalie Petrowski.
Mais ce que j’ai aimé par-dessus tout, ce n’est pas tant le sempiternel portrait de la femme enceinte (le truc des cornichons et du pantalon trop petit, on a déjà vu ça mille fois) que la façon dont on y dépeint les relations homme-femme.
Comme le disait Patrick Huard (cité dans l’éditorial de Mario Roy paru dans La Presse du 11 février): "La twist de l’histoire est intéressante: c’est la femme qui a peur de l’engagement et de la responsabilité d’un enfant alors que le gars, lui, a passé par-dessus ça et a le désir d’avoir cet enfant. C’est un personnage extrêmement masculin, mais qui n’est pas un loser, qui est intelligent et sensible."
Tout comme Gaz Bar Blues, l’excellent film de Louis Bélanger qui montrait que les hommes pouvaient aussi avoir le bonheur de leurs enfants à cœur (une évidence pour la plupart des gars mais un scoop historique pour de nombreuses femmes au Québec), Maman Last Call brosse un portrait empathique – et sympathique – de l’homme québécois. Ça n’a l’air de rien, comme ça, mais l’événement est tellement rare qu’il mérite d’être souligné au crayon gras.
L’homme et la femme, dans ce film, ne sont pas présentés comme des ennemis jurés qui se tirent dessus à boulets rouges, mais comme des naufragés accrochés à la même épave. Ils ne tentent pas de se caler l’un l’autre: ils essaient au contraire de mettre leurs efforts en commun pour se sortir de la merde et rejoindre la rive.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je commence à en avoir ras le pompon de lire des textes affirmant que les hommes se pognent le beigne à deux mains pendant que les femmes, anges courageuses devant l’Éternel, boivent la tasse et rament à contre-courant.
Je m’excuse, mais quand je regarde autour de moi, ce ne sont pas des femmes au bord de la crise de nerfs que je vois: ce sont des PARENTS au bord de la crise de nerfs, des GENS, du MONDE.
Des ÊTRES HUMAINS avec des VAGINS et des PÉNIS.
Vous en connaissez, vous, des gars qui sirotent tranquillement leur bière en camisole pendant que bobonne lave la vaisselle, fait l’épicerie et donne le bain aux enfants? Pas moi. Il doit y en avoir, certainement, mais ce ne sont pas des gars représentatifs de l’ensemble des hommes.
Je ne vois pas des filles fatiguées, dans mon entourage: je vois des PARENTS fatigués. Des pères qui courent de la maison à l’aréna, des mères qui courent du bureau à l’épicerie…
C’est ce qui m’a profondément touché dans le film de François Bouvier et Nathalie Petrowski: cette absence totale d’amertume, cette chaleur, cette tendresse. Il n’y a pas de guerre des sexes, ici, pas d’hommes brisés par des ex hystériques (comme dans La Machine à broyer des hommes, le documentaire de Serge Ferrand diffusé à Enjeux) ou de femmes épuisées par des maris paresseux (comme dans Femmes au bord de la crise de nerfs, le dossier récemment publié dans La Presse), mais un homme et une femme qui s’épaulent et qui tentent de faire leur possible dans un monde fou furieux.
Maman Last Call (comme Les Aimants d’Yves Pelletier, un autre film qui traitait des relations homme-femme sans tomber dans l’inévitable piège de la guerre des sexes) n’est pas un pamphlet ni une étude sociale. C’est une comédie romantique sans prétention qui obéit aux lois du genre. Mais j’espère fortement que ce film – comme son héroïne – fera des petits.
Car après une décennie à se lancer la balle, à se tirer dessus, à comparer leurs griefs et à se pointer du doigt, le temps est venu pour les hommes et les femmes du Québec de déposer les armes et de signer l’armistice.
Après tout, nous sommes dans le même bateau, non? Aussi bien ramer dans la même direction.